OPT, DGI, AFRICA n˚1 : Une brève histoire de la marche du Gabon vers la proclamation de sa souveraineté dans le cyberespace

À la faveur de son discours à la Nation du 16 août 2025, le Président de la République, Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA, a tenu à rappeler en substance, notamment à notre prétentieuse et imprudente génération que « le Gabon n’a pas commencé avec nous ».
Saisissant l’opportunité de ce rappel sibyllin, nous avons cru devoir dans le contexte de la commémoration du 2e anniversaire du 30 août, faire un clin d’œil historique à la trajectoire de la mise en œuvre des politiques publiques dans le domaine de l’information et de la communication. Le choix a été fait de conter aux nouvelles générations cette page de l’histoire reçue des anciens, en se focalisant moins sur les Hommes que sur la vision du Gabon éternel dont ces derniers ont été les maitres d’œuvre respectifs. Cette histoire qui est également la leur, c’est surtout celle d’une certaine conception de la souveraineté du Gabon dans le traitement automatisé de l’information (informatique) et le transport, la transmission ou la diffusion de celle-ci, autrement appelés communications (audiovisuel et télécommunications).
Au Gabon, l’histoire des technologies de l’information et de la communication, incluant notamment la téléphonie, la radio, internet, le numérique, et plus récemment les concepts de digitalisation et de « souveraineté numérique », l’intelligence artificielle (IA), plus familiers des nouvelles générations, est étroitement liée à l’action de l’État. Celle-ci est en effet liée à trois (3) de ses services (OPT, DGI et Africa N˚1) les plus emblématiques dans leurs domaines respectifs et dont la trajectoire historique reflète la vision des pionniers du Gabon éternel en la matière et les défis qui s’imposent aux générations post-30 août 2023.
Il sied de souligner de prime abord que les communications sont en principe un domaine de souveraineté dans tous les pays du monde. C’est pourquoi en dépit du principe du libre exercice des activités y relatives consacré par les lois, l’ouverture de cet exercice aux personnes morales ou physiques de droit privé reste soumise à un agrément préalable de l’État.
Cela dit, venons-en aux faits historiques ci-après qui, invitent à porter un regard introspectif du rétroviseur des rapports que la souveraineté de notre pays entretient avec les communications et l’information :
Le pouvoir de l’information, au cœur de l’anthropologie politique de nos sociétés traditionnelles
- Au 09 février 1837, date de signature du traité colonial entre le Roi Denis RAPOTCHOMBO et Édouard Bouët WILLAUMEZ, le réseau de communication des populations autochtones du territoire gabonais aujourd’hui, se caractérisait par l’usage de divers instruments de communication, parmi lesquels on pouvait citer les Tam-tams (Nku, Ndrungu, etc.), la Cithare (Ngombi), l’arc en bouche (Mungongo) et des chants spécifiques (constitutifs de la télégraphie traditionnelle). Ces derniers, ainsi que les Messagers obligés des Chefferies, villages ou tribus, voire la télépathie, constituaient un réseau complexe de communication qui facilitait les échanges au sein des communautés ;
Le Gabon pose les fondations de son idéal de souveraineté
- De 1952 aux premières lueurs de l’indépendance, la gestion du système d’information (informatique) de l’État, des postes et télécommunications était mutualisée par la France coloniale au sein de l’Afrique Équatoriale Française dont la capitale était Brazzaville. Deux services spécialisés étaient chargés d’assurer la gestion de ces deux domaines pour le compte notamment, du Congo, du Gabon, de la République Centrafricaine et du Tchad : l’Office Équatorial des Postes et Télécommunications et le Centre Informatique Trans-équatorial ;
- 1963, création de la Radiotélévision Gabonaise (RTG 1) ;
- 1964 : création de l’Office des Postes et Télécommunications (OPT) sous le contrôle exclusif de l’État, marquant le premier acte de prise de conscience de la République naissante quant aux enjeux de souveraineté attachés aux communications et à la gestion de l’information. En d’autres termes, la téléphonie fixe et la télégraphie, la transmission des données et l’acheminement du courrier sont un monopole de l’État.
Il importe de souligner qu’en 1978, soit quatorze ans plus tard, Nora et A. Minc dans leur rapport sur l’informatisation de la société à l’attention du Président Valéry Giscard D’Estaing, relevaient que « faute de tenir les réseaux, l’État ne pourra éviter les effets de domination, ni préserver une suffisante liberté pour chacun » ;
- En 1969, le monde vit le début d’une révolution sans précédent des télécommunications, avec la création par une Agence (ARPA) dépendant du Ministère de la Défense des USA, d’un réseau expérimental de communication dans le domaine civil, dénommé ARPANET. Ce réseau est communément considéré comme *l’ancêtre d’Internet* aujourd’hui. Sa création visait à établir une connexion entre quatre institutions universitaires : le Stanford Institute à San Francisco, l’université de Californie à Los Angeles, l’université de Californie à Santa Barbara et l’université d’Utah ;
- En 1971, le Centre Informatique Trans-équatorial subit sa première mutation au Gabon avec la création de la Direction de l’informatique au Ministère de l’Économie et des Finance.
- Au cours de la même année, l’Institut Africain d’Informatique (IAI) a été fondée à Libreville (Gabon), sous l’égide de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernements de l’OCAM. Cet établissement inter-États à caractère régional a pour vocation de former des informaticiens de tous niveaux et de toutes spécialités au service des États ;
En 1974, le Gabon décide de se doter d’un centre d’émission international de grande puissance, en vue de porter la voix du Gabon et de l’Afrique à travers le monde. L’émergence du projet Africa N 1, incarne la manifestation du soft power à la Gabonaise et s’inscrit dans la continuité de l’héritage du panafricanisme dont le Gabon fut la « capitale diplomatique ».
Au cours de la même année s’ouvre aux USA, une procédure judiciaire historique visant le démantèlement du monopole de la société Américan Télégraph and Teléphone (AT & T) dans le secteur des télécommunications depuis la fin du 19e siècle, à l’initiative du Ministère de la Justice ;
- En 1975, création par le Gouvernement français, de Radio France International (RFI), avec l’ambition officielle de porter la voix de la France sur le continent africain.
Toutefois, une analyse géostratégique autorise à envisager que cette initiative visait possiblement à prévoir un concurrent d’Africa N 1 (dont la filiale en France était codétenue par les États Français et Gabonais), capable de garantir la diffusion du récit français de l’Afrique à travers le monde. Cette contre-initiative de la diplomatie française illustre avec éloquence l’écho au sein des chancelleries occidentales, de la création d’Africa N 1 par la République Gabonaise ;
- En 1977, au terme d’une redéfinition des secteurs prioritaires par le Gouvernement, le traitement automatisé de l’information (l’informatique) devient un enjeu d’envergure nationale. Cette évolution a conduit à la *création de la Direction Générale de l’Informatique (DGI)* au sein du Ministère des Finances, car l’essentiel des données de souveraineté de l’État y étaient traitées à cette époque (budget, comptes publics, solde de l’État, ressources humaines, patrimoine, etc.) ;
- En 1979, le Gabon matérialise sa vision de la souveraineté des communications (cette fois-ci dans le domaine audiovisuel), en inaugurant le centre d’émission de Mouyabi. Ce dernier se classe parmi les centres les plus performants au monde, grâce aux facteurs géographiques et topographiques qui confèrent au Pays une position stratégique sur la carte du monde.
- En 1981, fort du succès retentissant du centre d’émission de Mouyabi, la radio panafricaine Africa n°1 fait retentir la voix de l’Afrique à travers le monde. ;
- En 1984, la stratégie de démantèlement des monopoles publics dans le domaine des télécommunications initiée USA atteint son point culminant en 1984, avec la condamnation définitive de la société AT & T à s’ouvrir à la concurrence. ;
- En 1986, la Direction Générale de l’Informatique démarre le processus de mise en place du réseau de communication électronique primaire (cœur de réseau) de l’administration.
Durant la même année, l’accord de siège entre le Gabon et l’Agence Spatiale Européenne (ESA) est conclu. Ledit accord consacre l’implantation de la Station terrienne à Nkoltang, permettant à l’ESA d’assurer la supervision et le suivi de ses lanceurs de satellites (fusées) Ariane, Vega et Soyouz depuis le territoire gabonais ;
En 1987, le Gabon se dote du réseau satellitaire Équasat, construit conjointement par des experts français et américains, avec l’ambition de permettre une couverture globale du territoire national en services de radiodiffusion, de télévision et de télécommunications. Avec un total de treize stations, ledit réseau place le Gabon en tête de liste des réseaux de télécommunications en Afrique subsaharienne ;
- En 1988, est inauguré l’immeuble du Delta Postal, le majestueux siège de l’Office des Postes et Télécommunications (OPT), alors considéré comme le symbole d’un idéal de souveraineté du Gabon dans le domaine des communications ;
- En 1990, la Direction Générale de l’Informatique dote les services de la douane gabonaise, d’un système de dédouanement informatique centralisé, baptisé SINDARA.
L’État Gabonais contraint de réduire son influence sur les communications et l’information au profit d’intérêts privés sous l’influence d’intérêts géostratégiques étrangers
- En 1993, le Vice-président des USA AL Gore, prononce un discours historique sur l’avenir des télécommunications le 21 décembre 1993 au National Press Club de Washington, DC. Ledit discours qui, pour de nombreux experts, décline la vision de l’administration Clinton, postule en substance que la libéralisation du secteur des télécommunications est la condition sine qua non de la construction d’une « autoroute de l’information » (Internet), c’est-à-dire, l’avènement de la société de l’information ;
- En 1994, le Gabon est accrédité auprès de l’ICANN, une organisation à but non lucratif de droit américain qui supervise les noms des domaines internet, lui conférant ainsi la gestion du domaine référencé en (.ga). L’OPT, désigné par l’État en qualité de Registre, assume la responsabilité de la gestion du domaine (.ga). Toutefois, en l’absence d’un registre régional en Afrique, la gestion de celui-ci est assurée à titre transitoire par le registre régional européen, dénommé Réseaux IP Européens–Network Coordination Centre (RIPE NCC) basé aux Pays-Bas ;
- L’année 1996 marque le premier tournant historique d’une certaine idée de la souveraineté du pays en matière de communications et de gestion de l’information, avec la signature par le Gabon d’un prêt conditionnel avec la Banque Mondiale. Ledit prêt est en effet conditionné par la privatisation des Établissements publics les plus rentables dans des secteurs de souveraineté, tels que les communications (comprenant les télécommunications) et l’énergie, dont l’OPT ;
- En 1997, le Gabon est signataire de l’accord de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur l’ouverture du marché des télécommunications à la concurrence. Cet accord emporte libéralisation de ce marché pour une soixantaine de pays dont le Gabon, au terme d’un processus juridique, diplomatique et géostratégique « influencé par le complexe militaro-industriel américain » ;
- En 1998, le Gabon se connecte au réseau Internet et l’OPT récupère la gestion effective du domaine « .ga. La même année, l’OPT procède à la création de sa filiale Libertis, spécialisée dans la téléphonie mobile, à la suite de l’obtention d’une Licence d’exploitation d’un réseau GSM. Le Gabon s’ouvre ainsi à une révolution des communications amorcée par l’avènement de l’Internet et le régime des privatisations forcées ;
- En 1999, année du lancement officiel des activités de Libertis dans le secteur des télécommunications, le pays doit relever un défi planétaire dans le domaine informatique : la gestion du potentiel « bug de l’an 2000 » qui, en l’absence de mesures appropriées au 1er janvier 2000 aurait créé un black-out informatique qui aurait paralysé le fonctionnement régulier des services les plus critiques de l’État.
C’est dans les locaux de la Direction Générale de l’Informatique que s’écrivirent véritablement les premières lettres d’Or du génie informatique vert-jaune-bleu. En effet, contre les avis pessimistes de cabinets internationaux mobilisés à coup de lobbying, de pressions politiques et diplomatiques afin de recruter des experts occidentaux pour accompagner le Gabon dans ce challenge, ce sont les ingénieurs informatiques de la République Gabonaise, en service à la DGI qui permirent au système d’information de l’État de faire face à ce défi technologique mondial avec succès. Cette réussite a incité le Gouvernement à promouvoir une politique de développement de logiciels ou d’applications souveraines, en s’appuyant sur des compétences nationales ;
Le Gabon à l’aube de l’avènement de la société de l’information
- En 2001, en application de la loi 4/2001 du 27 juin 2001 portant réorganisation du secteur des postes et télécommunications, l’État procède à la dissolution (scission) de l’Office des Postes et Télécommunications (OPT) et à la création de deux sociétés ad hoc dans les secteurs de la poste et des télécommunications : Gabon Poste et Gabon Telecom. Cette décision marque la fin de trente-sept (37) ans de monopole de l’État sur la gestion des communications et du courrier ;
- 2002, via la société Gabon Télécom, le Gabon modernise et optimise sa connectivité internationale et la qualité de son offre en haut débit, en se raccordant au câble sous-marin en fibre optique SAT-3/WASC, qui relie l’Afrique à l’Europe. Cet investissement est réalisé par Gabon Télécom, grâce à un prêt s’élevant à plus de quatorze (14) milliards de francs CFA de la Banque Européenne d’Investissement, assorti d’une garantie de la République Gabonaise, optimisant la capacité du pays à garantir l’acheminement de ses communications internationales.
- En 2003, a lieu le premier sommet mondial de la société de l’information à Genève en Suisse, marquant la nouvelle dimension prise par les TIC dans la marche du monde. C’est dans ce contexte que la DGI est muée en Direction Générale des Services Informatiques (DGSI).
La même année, l’application SYDONIA (Système Douanier Automatisé) développée pour la Direction Générale des Douanes et des droits Indirects avec l’assistance technique de la DGSI, et en collaboration avec la CNUCCED, est mise en service. Les experts de la DGSI et de la DG (DGDI) ont assuré notamment, la conception et le développement des applications ;
- En 2006, dans le prolongement de la vision du Gouvernement visant à doter l’État d’un système d’information souverain, la DGSI met en exploitation une série d’applications dites de « souveraineté », dont la plus emblématique est FUR (Fichier Unique de Référence). Ce progiciel est dédié à la gestion de la solde des agents civils et militaires de l’État, des postes budgétaires et des ressources humaines ;
- En 2007, Gabon Télécom est privatisé par l’effet de la cession de 51% de son capital social détenu par l’État Gabonais à Maroc Telecom, au terme d’un « appel d’offres international ». Avec cette décision, c’est tout le socle de base historique du secteur des télécommunications du pays qui bascule sous le contrôle d’intérêts étrangers (amis certes).
Dans le domaine informatique d’autres applications de souveraineté ont été développées par la DGSI et mises en exploitation. C’est le cas de SYBI (Système Budgétaire Intégré), dédiée à l’exécution du budget de l’État à la Direction Générale du Budget et de LIIR (Logiciel Intégré d’Imposition et de Recouvrement) résultant de la fusion en une seule application, de toutes les applications et bases de données de la Direction Générale des Impôts.
La même année au plan international, l’Estonie qui figure parmi les pays les plus connectés au monde a été confrontée à une de désorganisation sans précédent, en raison d’une cyberattaque ayant affecté les services bancaires, les transports, et les services de télémédecine. Cette cyberattaque, attribuée à la Russie, constitue un événement marquant dans l’Histoire de la société de l’information naissante. Il s’agit en effet de la première cyberattaque d’une telle ampleur visant un État ;
- En 2008, le projet de construction du Réseau de l’Administration Gabonaise (RAG) est initié au sein de la DGSI, avec pour objectif de doter l’État de son propre réseau haut débit de télécommunications couvrant les 9 capitales provinciales. Ledit réseau privé est donc indépendant notamment de Gabon Télécom, qui est désormais sous le contrôle d’intérêts étrangers (Marocains) ;
L’E-Gouvernement et la transformation digitale de l’État en particulier, deviennent un enjeu géopolitique et géostratégique
- En 2010, le Gabon signe un accord de prêt avec la Banque Mondiale, d’un montant de 37 milliards de francs CFA dans le cadre du projet Central African Backbone (CAB 4), en vue du financement de son raccordement au Câble sous-marin ACE, ainsi que de la dorsale nationale en fibre optique (réseau national de transport en fibre optique dit Backbone), le tout dans une perspective d’optimisation de la connectivité du pays à l’international. En outre, le prêt devait garantir la mise en place des cadres juridiques et institutionnels nécessaires à la matérialisation du Gabon numérique.
Au plan institutionnel, la Direction Générale des Services Informatique est transformée en un établissement public à caractère administratif rattaché à la Primature et dénommé Agence Nationale de l’Informatique (ANI). Les défis de l’E-Gouvernement et de la transformation digitale de l’État commandaient en effet un ancrage interministériel de l’Agence ainsi créé, placée sous l’autorité du chef de l’Administration : le Premier Ministre, Chef du Gouvernement. L’ordonnance portant création de l’ANI n’ayant pas été ratifiée par le Parlement, il a été créée la même année, l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (ANTIC) sous la même forme juridique, mais sans rattachement à la Primature et placée sous la tutelle du Ministère chargé de l’Économie Numérique.
Sur la scène internationale, les installations nucléaires de la République Islamique d’Iran sont paralysées par un ver informatique dénommé stuxnet, développé par les services secrets américains et israélien : le monde entier découvre que les TIC sont également cyber armes redoutables ;
- En 2011, le Gouvernement crée l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF), en vue de concilier les deux visions à l’origine de la création de l’ANI et de l’ANTIC. La prise en compte des enjeux de sécurité nationale induits notamment, par la numérisation des données de souveraineté de l’État, la construction et la mutualisation des infrastructures numériques (Backbone, Data center national), ainsi que le développement de la société de l’information, commandent un rattachement de cette Agence à la Présidence de la République ;
- En 2012, l’ANINF crée la Société de Patrimoine des Infrastructures Numériques (SPIN) pour le compte de l’État, en vue de garantir la valorisation des infrastructures numériques de l’État régies par le principe du partage avec le secteur privé (Backbone, Data center, etc.).
Au plan international, les ordinateurs de l’Elysée (Présidence de la République française) auraient été piratés par la NSA (services de renseignement du Ministère de la défense des USA) et les principaux candidats à l’élection présidentielle de 2012 auraient été sous surveillance de la CIA (cf : Wikileaks) ;
- En 2013, la première phase de la construction du réseau de l’administration est livrée par l’ANINF, couvrant l’ensemble des capitales provinciales ;
- En 2014, l’ANINF livre la phase 1 du projet CAB 4 et procède au transfert de l’infrastructure ACE et du Backbone à la SPIN, en vue de l’exploitation de celle-ci.
La même année, le Gabon se dote de son premier point d’échange dénommé Gabon Internet Xchange (GABIX), en vue garantir la souveraineté du trafic internet local, grâce à une interconnexion locale entre l’ensemble des opérateurs et des fournisseurs d’accès Internet (FAI) ;
- En 2015, l’exploitation du câble sous-marin ACE et du Backbone est déléguée à la société AXIONE Gabon, filiale d’AXIONE France, en application là encore, des dispositions de la convention de prêt liant la République Gabonaise à la Banque Mondiale. En d’autres termes, comme dans le cas de l’OPT en 1996, le Gabon est contraint de privatiser l’exploitation de ses infrastructures numériques dans le cadre d’une délégation de services publics.
Au cours de la même année, l’application (logiciel) SYBI garantissant un traitement souverain de l’exécution budgétaire de la République Gabonaise et développée gratuitement par des informaticiens de l’État Gabonais en service au sein de la DGSI (ANINF devenue), pour l’État, a été remplacée par VECTIS, un logiciel sous licence (payant), édité par Involys, une société de droit marocain.
En 2016, la chaîne de télévision publique Gabon 24 est mise en service, avec la double ambition d’émanciper les téléspectateurs nationaux de la dépendance à l’égard du récit des chaînes d’information en continu occidentales d’une part, et de repositionner le pays dans le paysage mondial de la diplomatie de l’information, d’autre part.
- En 2018, les USA adoptent le Cloud Act, une loi permettant aux services de défense et de sécurité américains, d’exiger des entreprises américaines opérant notamment dans le secteur des TIC de leur autoriser l’accès à des données numériques, même si celles-ci sont stockées dans un pays étranger ;
- En 2020, la seconde phase du projet CAB4 est livrée et l’infrastructure est transférée à la SPIN par l’ANINF, suivant l’esprit de l’accord de prêt ;
- En 2023, les logiciels de l’État LIIR et E-Tax, initialement développés par la DGSI, puis l’ANINF en collaboration avec la Direction Générale des impôts, sont fusionnés en un seul logiciel sous licence d’un éditeur privé étranger : Digitax.
Dans le domaine des télécommunications de l’État, le Ministère de la Défense nationale oppose son véto à la privatisation de l’exploitation du réseau de l’administration (RAG) au profit d’une entreprise privée non contrôlée par l’État.
Par ailleurs, le Parlement adopte la loi portant réglementation de la cybersécurité et de la lutte contre la cybercriminalité, dotant enfin le pays, notamment d’un cadre institutionnel et juridique formel de pilotage de la cyberdéfense ;
Le 30 août 2023, le Général de Brigade Brice Clotaire OLIGUI NGUÉMA et les forces de défense et de sécurité réunies au sein du CTRI choisissent comme premier acte symbolique de la libération du peuple, de rétablir la connexion internet, notamment la connectivité internationale qui avait été interrompue le 26 août 2023 au crépuscule de la fermeture des bureaux de vote ;
À l’aube de la nouvelle ère qui s’ouvre pour le pays, les autorités de la Transition annoncent en particulier : la restauration d’Africa n°1, la possible renationalisation de Gabon Télécom et la construction du nouveau siège de Gabon 24 ;
- Le 17 novembre 2024, le Peuple Gabonais adopte par référendum, la Constitution de la République. Celle-ci consacre dans son préambule, la proclamation de la souveraineté du Gabon sur le numérique ;
Au terme du parcours de cette trajectoire historique de la marche du Gabon vers la réalisation de son idéal de souveraineté en matière de communications et de traitement de l’information, deux constantes méritent une attention critique de la part des laboratoires de recherche (la communauté scientifique) du pays et du très haut commandement militaire :
- La volonté de l’État de réaliser des investissements infrastructurels susceptibles de lui garantir une forme de souveraineté en matière de transport et de diffusion de l’information a souvent été systématiquement contournée, voire anesthésiée par des conditions de financement plus favorables à l’exploitation et au contrôle de ces infrastructures par des intérêts privés hors de contrôle de la République Gabonaise ;
- Les applications ou logiciels dédiés au traitement des données et informations les plus vitales pour la stabilité et l’essor du pays, développées gratuitement par les ingénieurs informatiques de l’État, et permettant à celui-ci de se constituer un patrimoine informationnel souverain, sont quasi systématiquement remplacés par des applications sous licence (chiffrées en milliards de francs CFA) dans la plupart des cas, développées par des Éditeurs étrangers, souvent sur la base des applications qui ont été développées par les ingénieurs de l’État.
L’histoire, disent les anciens auxquels le Chef de l’État a rendu hommage le 16 août 2025, nous est contée pour que le passé éclaire notre avenir, car le futur commence toujours par le souvenir.
Selon une sagesse chinoise bien connue, « hier commande aujourd’hui, qui commande demain. Aujourd’hui permet de réparer hier et évite d’avoir à réparer demain ». Le numérique ayant été indirectement proclamé « domaine » de souveraineté par la Constitution du 19 décembre 2024, il conviendrait dans l’esprit du 30 août commémoré par le Gabon, d’impliquer davantage les plus hautes sphères militaires du pays et la communauté scientifique nationale dans l’orientation de l’action publique, notamment en faveur de la transformation digitale de l’État et de la sécurisation du cyberespace national pour lesquels, la définition d’une doctrine nationale devient une exigence constitutionnelle.
Le cyberespace est une dépendance physique et cognitive du territoire national qu’il incombe au Gabon éternel de reconquérir au crédit de sa souveraineté politique et territoriale.
Par Fade Bertony BOUDIOMBO De Bakoumba
Cyber Expert Africain
Fondateur de Cyber Soft Power Gabon
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