Makouké : isolée depuis 2 mois, l’impuissance d’un État face à un bac à l’arrêt

Ce qui n’était au départ qu’une simple panne technique s’est transformé en symbole d’abandon. Depuis près de deux mois, les habitants de Makouké, dans le département de l’Abanga-Bigné, sont coupés du reste du pays. Le bac, unique moyen de traversée du fleuve, a suspendu le transport de passagers au motif de « raisons de sécurité », ne privilégiant plus que les camions et engins lourds. Résultat : une population piégée, des élèves en détresse, une économie locale paralysée, et un gouvernement aux abonnés absents.
Un isolement qui devient une injustice sociale. À Makouké, le bac n’est pas un luxe. C’est une artère vitale. Sans lui, impossible de se rendre à l’école, au marché ou à l’hôpital. « Le bac était notre pont. C’est lui qui nous permettait de partir de la rive droite à la rive gauche. Que va-t-on faire maintenant ? », s’interroge une habitante, exaspérée.
Les plus touchés sont les élèves et les commerçants, contraints de recourir à des pirogues artisanales pour traverser. Le tarif, passé de 500 à 5 000 francs CFA, devient insoutenable pour la majorité.
« Les parents doivent désormais dépenser près de 1 000 francs par jour juste pour envoyer leurs enfants à l’école. Ce n’est pas tenable », dénonce Symphorien Nzoumba, surveillant général du lycée de Makouké.
Derrière la colère, c’est un sentiment d’abandon qui s’installe. Aucun dispositif de secours, aucune alternative logistique, aucun message clair du ministère des Transports. Pendant ce temps, le quotidien des habitants s’enlise dans l’angoisse et la débrouille.
Quand l’État viole son propre devoir constitutionnel
La situation de Makouké dépasse la simple panne de bac. Elle met en lumière l’incapacité de l’État à garantir la libre circulation des personnes et des biens, pourtant consacrée par la Constitution. L’article 1er, alinéa 2, affirme que « l’État garantit à tous la liberté de circuler sur l’ensemble du territoire national ». Or, à Makouké, cette liberté est aujourd’hui suspendue — littéralement.
À chaque pluie, la crainte du chavirement hante les pirogues surchargées. Les échanges commerciaux sont au point mort, les activités administratives au ralenti, et les campagnes politiques s’en trouvent amputées. « Comment parler de Ve République si, dans une localité du Moyen-Ogooué, les citoyens ne peuvent même plus circuler librement ? », ironise un habitant.
Silence gouvernemental et colère montante
Alors que le ministère des Transports reste muet, les autorités locales peinent à calmer la colère grandissante. Ni plan de remplacement, ni calendrier de réparation n’ont été annoncés. Ce silence nourrit une impression de désinvolture au sommet de l’État, alors même que le président Brice Clotaire Oligui Nguema a fait de la lutte contre la vie chère et de la restauration de l’État une priorité nationale.
Makouké n’attend pas des promesses, mais une réponse. Un bac réparé, un service rétabli, une dignité rendue. Car au Gabon, laisser une population prisonnière de son propre territoire, c’est plus qu’une négligence : c’est une faute d’État.
GMT TV