Magistrature : Vers un vrai concours ou un énième népotisme ?

Dans la 5e République, proclamée comme l’ère de la félicité, l’annonce du concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature (ENM), prévu les 23 et 24 août 2025, suscite un vif espoir parmi les candidats. Ces derniers, lassés des échecs imputés au népotisme et au favoritisme, aspirent à être jugés sur la qualité de leurs prestations. Mais dans un pays où les pratiques oligarchiques ont souvent prévalu, la question demeure : ce concours sera-t-il un véritable tremplin pour le mérite ou une nouvelle illustration des dérives clientélistes ?
La mémoire est une boîte noire qui blanchit les zones d’ombres des amnésiques, aimait me répéter mon géniteur. Il y a deux ans, Maître Lubin Ntoutoume, ancien Bâtonnier et actuel ministre de l’Industrie, soulignait l’urgence d’une justice gabonaise plus responsable et impartiale. Pour l’expérimenté avocat, cet idéal passe par une sélection transparente des magistrats, un processus jusqu’ici entaché par des pratiques opaques. Dans sa tribune d’octobre 2023, ce dernier rappelait que le serment des magistrats les engage à agir en dignité et loyauté.
Quelle justice avec des magistrats positionnés ?
C’est la question que les observateurs de la vie publique se posent depuis des lunes. Puisqu’il faut avoir le courage de le dire, les concours d’entrée à l’ENM souffrent de maux récurrents. Tellement fréquents que les candidats éliminés par manque de relations haut placées en viennent à accepter cette forfaiture. Au nombre des maux pointés du doigt, l’organisation défaillante, les admissions par « voies détournées » et le favoritisme flagrant. Ces dérives, quasiment légalisées par le laisser-faire sous Omar Bongo, Ali Bongo et même Oligui Nguema sous la transition, jettent un discrédit persistant sur la profession.
De nature à alimenter la défiance des Gabonais envers leur justice. Sapristi ! La noblesse du rôle de magistrat exige de rétablir sa dignité, son honneur et sa probité. Lesquels constituent des gages d’une véritable indépendance judiciaire. Comme l’avait souligné Maître Lubin Ntoutoume, « le concours d’admission doit se faire librement et seul le mérite doit être primé ». Le Syndicat national des magistrats (Synamag) avait lui-même dénoncé les fraudes qui gangrènent la corporation, sapant la confiance des citoyens. À l’heure où le Gabon aspire à consolider la séparation des pouvoirs, le recrutement des magistrats doit rompre avec les pratiques du passé, où des promotions étaient accordées sur des critères de consanguinité ou de connexions.
Le président de la République, également président du Conseil supérieur de la magistrature, Brice Clotaire Oligui Nguema a l’opportunité de s’inscrire dans l’histoire du Gabon en organisant le véritable premier concours de la magistrature sans fraude. Pour ce faire, un suivi rigoureux du prochain est souhaité. Le but visé est de redonner espoir à une génération de juristes désireux de servir leur pays avec intégrité. Les scandales passés, comme celui de Vissy Oganda, magistrat propulsé par favoritisme, ou l’admission de candidats sans mérite, ne doivent plus se reproduire. En 2025, le Gabon doit prouver que la justice peut redevenir un pilier de fierté nationale, où le savoir des 200 vrais admis prime sur le copinage.
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