Les Églises de réveil au Gabon : un fanatisme gênant à l’égard du CTRI et une plaie morale pour la société 

Il me peine d’écrire quelques lignes au sujet de la perte de l’autorité morale de l’Eglise, puisque, comme vous le savez,  je suis moi-même chrétien et j’appartiens à une assemblée dont la doctrine ne souffre effectivement d’aucune ambiguïté, faut-il le préciser ici et maintenant. Elle prêche évidemment l’évangile véritable et mène des actions concrètes aux enseignements divins. C’est l’essentiel des essentiels. Mais à l’observation de nombreuses dérives dans les églises de mon pays, je me propose de porter une attention particulière sur le sujet cité plus haut : « Les Églises de réveil au Gabon : un fanatisme gênant à l’égard de la transition et une plaie morale pour la société gabonaise à la lumière des enjeux politiques du moment ».  

Disons le d’emblée, l’influence politique de l’Église dans l’histoire est un phénomène complexe et multi-facettes. L’Eglise joua un rôle déterminant dans la formation des sociétés, des États et des gouvernements à travers les âges. Je me propose ainsi de remonter rapidement dans le temps pour comprendre, sans ambiguïté et parti pris narratif, ce qu’a pu être l’Eglise et ses missions véritables, avant de pointer mon curseur sur le cas spécifique de notre pays le Gabon. 

En effet, à l’origine, le christianisme était une religion persécutée dans l’Empire romain, mais avec la conversion de l’empereur Constantin Ier (313 ap. J.-C.), le christianisme devient une religion d’État et l’Église joua un rôle important dans la structuration du pouvoir politique (voir : La crise de l’origine, la science catholique des Évangiles et l’histoire au XXe siècle, Paris, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanité », 2006, 707 p. Pierre Lassave). Sous L’Empire byzantin, l’Église et l’État étaient très liés, et l’empereur byzantin était considéré comme le protecteur et le leader de l’Église chrétienne. Pendant le Moyen Âge, l’Église catholique romaine, sous la direction du pape, exerça une influence politique et sociale colossale à travers l’Europe (lire par exemple : Pierre Riché, Grandeurs et faiblesses de l’Église au Moyen Âge, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Histoire », 2006, 333 p).La Renaissance a vu l’essor d’une nouvelle vision de l’État, mais l’Église resta une force majeure, avant que la Réforme protestante du XVIe siècle, menée par Martin Luther et d’autres réformateurs, questionne  l’autorité de l’Église catholique romaine, entraînant ainsi des bouleversements politiques majeurs en Europe. Aujourd’hui, l’Église continue de jouer un rôle important mais son influence politique a changé, certes. 

Au Gabon, vous avez pu le constater, les Eglises de réveils sont souvent caractérisées par des cultes dynamiques, des prédications enthousiastes et des pratiques spirituelles intenses. Elles attirent de nombreux fidèles, en particulier dans un contexte socio-économique déjà difficile sous nos cieux , notamment marqué par le règne du système Bongo-PDG, en promettant la guérison, la prospérité et la libération spirituelle. C’est sans doute le message de prédilection. 

Dans notre pays, faut-il le dire à regret et vous m’en voyez bien désolé, certains leaders d’églises de réveil accumulent d’énormes richesses tout en demandant à leurs fidèles de sacrifier leurs ressources financières. Cette pratique peut causer de grandes souffrances parmi les membres les plus vulnérables, en particulier ceux qui, dans un contexte de pauvreté, sont poussés à donner de l’argent qu’ils n’ont pas. Dans certaines Églises de réveil de ce pays, les services sont organisés pour provoquer des émotions intenses, pas très loin de la manipulation des masses. Bon, bref. Disons-nous les choses avec plus d’acuité. N’est-ce pas aussi là, la mission de l’intellectuel chrétien que je revendique ?

Le fanatisme et la courtisanerie des leaders des Eglises de réveil depuis les années 1960 dans ce pays doivent interpeller plus d’un. Mais jusqu’à quand la recherche de l’argent va pousser l’Eglise dans le déni et l’adoubement tous azimuts ? Bien curieux encore, elle proclame, même dans des cultes, sans gêne morale, neutralité et discernement, que ce simulacre de coup d’Etat est le fait de la volonté de Dieu ? Récemment,  nous avons eu droit à un culte en faveur de la transition avec pour fait marquant le spectacle des colombes. 

Récemment, le très douteux pasteur Mike Jocktane Puissance a démontré que les pasteurs ( certains) sont une plaie pour cette société en appelant les chrétiens au vote du candidat de la France. Quelle souffrance ! Combien avez-vous reçu pour cela ? Dieu doit être lui-même stupéfait de cela. Il est temps que l’Eglise de réveil au Gabon dénonce les dérives politiques des autorités, s’engage dans l’arène politique en présentant un candidat ( pourquoi pas?) s’insurge contre les abus de pouvoirs, dénonce le vice dans ce pays, s’écarte du goût trop prononcé pour l’argent.  Il est temps de ne plus négliger les questions sociales plus larges, telles que la justice sociale, la lutte contre la corruption, ou l’amélioration des conditions de vie dans la communauté chrétienne. Eglise du Gabon, « lève-toi et marche », il est temps. Le Dieu en qui nous croyons aime la paix, le courage et la justice.

Craignez véritablement Dieu, surtout vous Monsieur Mike Jocktane. 

Jean-Mariole Kombila Yebe

Docteur en Histoire, Maitre-Assistant Cames, Chrétien pentecôtiste.