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Gabon: une privatisation de l’économie qui en fragilise le tissu

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A l’image de l’industrie textile disparue avec la  Manufacture Gabonaise de Vêtements (MGV), l’économie gabonaise est aujourd’hui dans un profond marasme. Et pour cause, entre privatisation à tout va et dans la quasi intégralité des secteurs d’activités, fermeture ou agonie de nombreux fleurons de notre économie et, absence de politiques économiques protectionnistes et créatrices de valeures, le tissu économique gabonais déjà fragilisé par une absence de dimension nationale, est en perdition.

Du concept de « rénovation » à celui « d’émergence » au Gabon, il n’y a qu’un pas. Du concept de privatisation à celui de désacralisation de notre économie également, il n’y en a qu’un. Il faut dire que depuis la fin des années 60 et le début de l’exploitation pétrolière, le petit pays d’Afrique centrale qui en demeure l’un des principaux producteurs, n’a toujours pas été en mesure de diversifier son économie. Pis, celle-ci obnubilée par la dépendance pétrolière, a délaissé la quasi intégralité des secteurs d’activités à des opérateurs étrangers, créant un véritable fossé entre le secteur pétrolier et le hors-pétrole.

En effet, alors qu’une dynamique de création de chaînes de valeurs boostées par les revenus pétroliers avait été impulsée dans les années 60-70-80 avec la création de nombreuses sociétés publiques, à l’image de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (Seeg), la Société sucrière du Haut-Ogooué (Sosuho), Ciments du Gabon, l’Office du chemin de fer transgabonais (Octra), la Société gabonaise d’élevage (Sogadel), la Société industrielle d’agriculture et d’élevage de Boumango (Siaeb) ou encore la regrettée Air Gabon, 20-30-40 ans plus tard ces sociétés ont disparu.

Faisant place à des opérateurs privés qui ont complètement bouleversé le paysage économique, avec une généralisation des exportations de produits bruts et des importations de produits finis, ces privatisations tous azimuts auront finalement détruits un tissu industriel et économique déjà extrêmement faible. Or, bien organisées, ces sociétés auraient pu faire du Gabon, la locomotive de la sous-région Afrique centrale au regard notamment de son positionnement stratégique comme en témoigne l’arrivée prochaine du cimentier nigérian Dangote.

Tuant à petit feu l’emploi et les perspectives, d’une jeunesse qui était censée reprendre le flambeau de cette première génération volontariste, ces privatisations à tout va ont fort logiquement annihiler la volonté de l’exécutif, de réduire la dépendance des provinces aux industries extractives tout en diversifiant ses activités. Une conclusion bien triste, pour un pays qui faisait jusque dans les années 90, office d’eldorado et d’exemple de réussite pour de nombreux autres pays africains.

Preuve à la fois d’un management approximatif et d’une absence de bonne gouvernance, la suppression de ces sociétés du paysage économique gabonais a donc jeté aux calendes grecques, toute velléité de développement durable et inclusif. Désormais réduit à l’aide extérieure et aux emprunts multilatéraux comme en témoignent les 6300 milliards de FCFA de dette publique, le Gabon voit donc inégalités et fossé social se creuser avec aujourd’hui près de 35% de la population en dessous du seuil de pauvreté. Toute chose rendant difficile, une quelconque « transformation ».

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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