Gabon : Concours aux grandes écoles, la fabrique de l’illusion républicaine ?

À chaque saison des concours, c’est la même comédie nationale qui se rejoue : des milliers de jeunes Gabonais, armés de leur baccalauréat et d’une folle espérance, se ruent vers les grandes écoles, rêvant d’une ascension sociale par le mérite. Mais derrière cette façade de sélection républicaine, se cache une mécanique brutale, injuste, et souvent cynique, dont l’efficacité réelle comme la finalité sociale interrogent.
Quand la promesse de l’excellence masque un système de rente. Alors que Libreville bruisse encore de l’insouciance des vacances scolaires, une autre agitation plus fébrile monte : celle des concours d’entrée à l’ENA, à l’ENS, à l’IUSO, ou encore à d’autres centres dits « de formation d’excellence ». Des écoles qui, chaque année, n’ouvrent que quelques centaines de places pour plusieurs milliers de candidats. Une compétition impitoyable, que les autorités présentent comme juste, méritocratie, républicaine. En réalité, c’est une fabrique de frustration.
Car derrière la quête légitime de sélection, se dissimule une équation cynique : faire payer à 1 000, 2 000 voire 3 000 candidats des frais d’inscription, alors qu’on sait d’avance que seules quelques dizaines seront retenues. « Une stratégie bien huilée, mais socialement injustifiable », souffle un enseignant d’une grande école sous anonymat. Ce modèle, fondé sur la rareté entretenue, semble surtout destiné à remplir les caisses… et à épuiser la jeunesse.
Une planification déficiente, une orientation absente
Pourquoi continuer à organiser des concours surdimensionnés alors que les capacités d’accueil restent dérisoires ? Pourquoi autoriser autant de candidatures sans filtre, si ce n’est pour perpétuer un système fondé sur l’espoir et le découragement ? La planification fait défaut, mais plus grave encore : l’orientation est absente. Les filières techniques, professionnelles ou intermédiaires sont négligées, alors même qu’elles répondraient aux réalités du marché.
Résultat : tout le monde s’engouffre dans les mêmes filières, croyant à tort que seule l’entrée dans une grande école garantit un avenir. Une vision élitiste et dépassée, qui crée plus de laissés-pour-compte que de talents épanouis. Pour beaucoup de jeunes issus de familles modestes, ces concours deviennent une double peine : coûts financiers lourds, échecs répétés et sentiment d’inutilité.
Vers une refonte du modèle ou une perpétuation des inégalités ?
Cette saturation des concours n’est pas seulement inefficace, elle est injuste. Le mythe du mérite est souvent battu en brèche par des pratiques opaques, des suspicions de favoritisme et une méritocratie biaisée. Sans mécanisme d’accompagnement ni transparence réelle, le système finit par broyer les espoirs et miner la confiance des jeunes dans l’institution.
Il est urgent que l’État cesse de brandir les grandes écoles comme seule voie d’excellence. La jeunesse gabonaise mérite une politique éducative diversifiée, équitable, orientée vers les besoins réels du pays. Refonder le système de concours ne doit pas être un tabou. C’est un impératif si l’on veut faire de l’éducation un levier d’égalité, et non une machine à reproduire les privilèges.
GMT TV