Harold Leckat : «Monsieur le Président, voici ce que l’histoire attend de vous !»

Le Gabon a trop souvent confondu fidélité et servilité, loyauté et silence complice. À l’aube du nouveau septennat qui s’ouvrira ce samedi 3 mai 2025 avec la prestation de serment du président élu Brice Clotaire Oligui Nguema, il devient urgent de rappeler une évidence : l’imbécillité politique est un poison. Un poison insidieux. Et surtout, un poison contagieux.
Cette imbécillité, c’est celle qui fait croire à certains que le pouvoir se suffit à lui-même, qu’il n’a pas besoin de rendre compte, ni de s’entourer d’intelligences critiques. C’est celle des courtisans qui applaudissent l’échec en le grimant en victoire, celle des ministres muets, des directeurs lâches et des conseillers qui conseillent peu mais intriguent beaucoup.
Elle est là, tapie dans les couloirs du pouvoir, discrète mais létale. Elle se glisse dans les décisions absurdes, dans des nominations clientélistes, dans le refus d’écouter ceux qui alertent. Elle prend la forme du confort administratif, du cynisme technocratique ou de l’arrogance politique.
Un serment n’est pas une formule, c’est un engagement public
Samedi, devant Dieu, devant nos ancêtres et devant le peuple gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema jurera ceci : « Moi, Brice Clotaire Oligui Nguema, élu Président de la République, m’engage devant Dieu, nos Ancêtres et le peuple gabonais, à consacrer toutes mes forces à son bien-être, le protéger de tout dommage, respecter et défendre fidèlement la Constitution et l’État de droit, préserver les acquis démocratiques, l’indépendance de la Patrie, l’intégrité du territoire national, et à remplir consciencieusement les devoirs de ma charge et être juste envers tous. Je le jure. »
Ce serment, gravé dans l’article 45 de la Constitution, n’est pas une incantation solennelle pour faire bonne figure. C’est un contrat moral avec la Nation. Un engagement à se tenir debout, non pas au-dessus, mais devant le peuple, face à l’histoire.
Monsieur le Président, voici ce que l’histoire attend de vous !
Vous avez été plébiscité par un peuple qui ne vous a pas tant élu que mandaté. Un peuple qui n’en peut plus des promesses sans effet. Un peuple qui attend des résultats, pas des slogans. Des actes forts, pas des alliances molles.
Ce septennat est le vôtre, mais il n’est pas pour vous. Il est pour les Gabonais, pour ceux des villes comme pour ceux des provinces, pour ceux des réseaux comme pour ceux des rues, pour les enfants sans école, pour les mères sans soins, pour les travailleurs sans salaire, pour les citoyens sans État.
Pour le réussir, vous devrez faire ce que peu de chefs d’État ont osé avant vous : tenir tête à l’imbécillité politique. La combattre. L’écarter. Même quand elle prend les traits rassurants de vieux camarades de caserne, d’anciens ministres recyclés, de notables sûrs d’eux mais dépassés.
La République ne se gouverne pas avec des accolades, mais avec du courage
Le Gabon a besoin de souffle, de sérieux, d’ambition structurée. Pas de replâtrage politique ni de comédie institutionnelle. Pas d’un président de plus, mais d’un homme d’État.
Un homme capable de se défaire des pièges du pouvoir, de rompre avec les logiques de rente, de remettre l’intelligence collective au cœur de l’État. Un homme capable de rappeler que la compétence, la transparence et la justice ne sont pas des options, mais des fondations.
Votre serment, Monsieur le Président, ne doit pas être un simple rituel. Il doit être une rupture avec l’ère des imbécilités complices. La lucidité ne gouverne peut-être pas. Mais elle peut, à tout le moins, empêcher l’histoire de bégailler.
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