Gabon : RSF dénonce des difficultés pour la presse indépendante d’accéder aux sources officielles du nouveau régime

Alors que le président Brice Clotaire Oligui Nguema a prêté serment le 3 mai dernier, s’engageant à « être juste envers tous » et à « respecter et défendre fidèlement la Constitution et l’État de droit », la presse indépendante peine toujours à exercer pleinement sa mission. Dans son dernier rapport, Reporters sans frontières (RSF) alerte sur les entraves persistantes à l’accès à l’information et les blocages institutionnels qui minent le droit du public à une information pluraliste et transparente.
Une promesse de justice contrariée par l’opacité institutionnelle. Depuis la chute du régime d’Ali Bongo Ondimba, nombreux étaient ceux qui espéraient une libéralisation du paysage médiatique gabonais. Pourtant, comme le souligne RSF, les journalistes indépendants rencontrent de sérieuses difficultés à accéder aux sources officielles du nouveau pouvoir. « Le secteur audiovisuel reste dominé par les médias publics, très partisans, tandis que les journalistes indépendants sont souvent exclus des manifestations officielles », déplore l’organisation.
Un constat qui vient en contradiction avec les engagements du président de la République, qui, dans son serment constitutionnel, a promis de protéger l’intégrité nationale et d’assurer une gouvernance équitable. Or, l’exclusion persistante des médias critiques, combinée à un climat de méfiance vis-à-vis de la presse libre, maintient le pays dans une logique de contrôle de l’information plus qu’une culture de transparence.
Subvention 2024 : l’opacité de trop ?
Au cœur des critiques formulées par les professionnels des médias, une affaire symbolique : la non-publication, à ce jour, de la liste des bénéficiaires de la subvention à la presse 2024. Une décision de la ministre sortante de la Communication, Laurence Ndong, qui alimente la suspicion. « Nous sommes dans une République qui prône la transparence et la rupture, mais nous avons affaire à une reconduction des pratiques opaques du passé », s’indigne un éditeur local.
Guy Pierre Biteghe, directeur du journal Le Mbandja, a vivement dénoncé cet état de fait lors d’un récent forum sur l’avenir des médias, affirmant que « le camouflage est devenu une méthode de gestion souveraine ». Pour lui, ce défaut de transparence trahit l’esprit de la 5e République, qui devait marquer une rupture nette avec les pratiques clientélistes de l’ancien régime.
La presse indépendante entre espoir et scepticisme
Si le climat s’est légèrement apaisé depuis août 2023 – avec moins d’arrestations et le retour de certains journalistes exilés – les obstacles structurels demeurent. L’accès à l’information reste inégal, la Haute autorité de la communication continue d’être perçue comme un bras armé du pouvoir malgré les efforts du nouveau président de privilégier la conciliation, et les médias indépendants doivent survivre dans un environnement économique précaire, où la publicité institutionnelle reste monopolisée par les organes de presse détenus par l’Etat ou des titres proches du régime.
Pour RSF, l’amélioration de la liberté de la presse au Gabon ne saurait se limiter à la seule fin des répressions visibles. Elle doit s’accompagner d’une réforme en profondeur du cadre légal, d’une libération des canaux institutionnels d’information, et d’un accès équitable aux ressources publiques. « Une presse libre ne se décrète pas, elle se construit. Et cela commence par la transparence ».
GMT TV