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Gabon : RPR, un parti personnel ou une coquille vide ?

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Alors que Jean-François Ntoutoume Emane annonce sa retraite politique à près de 85 ans, une question essentielle se pose : un parti politique peut-il disparaître simplement parce que son fondateur le décide ? En déclarant que le Rassemblement des patriotes républicains (RPR) « ne devra plus exister », l’ancien Premier ministre soulève, sans le vouloir, un débat de fond sur la propriété des partis politiques au Gabon.

C’est dans une déclaration aux allures testamentaires que Jean-François Ntoutoume Emane a mis fin à son parcours politique. Si son retrait personnel ne surprend guère, l’homme ayant atteint un âge vénérable et connu les plus hautes sphères de l’État, c’est la mise à mort simultanée de son parti, le RPR, qui interroge. En affirmant que sa formation « ne devra plus exister » du fait de son départ, le vieux routier de la scène politique gabonaise pose un acte révélateur de la personnalisation du pouvoir dans nos partis politiques.

Un parti, un homme ?

Fondé en 2015 dans un contexte de rupture avec le régime Bongo-Accrombessi, le RPR était-il un projet collectif ou simplement le prolongement d’un homme ? La question est d’autant plus légitime que la dissolution annoncée ne résulte ni d’un congrès, ni d’une consultation des militants, mais d’une décision unilatérale de son initiateur. « La conséquence, affirme-t-il, c’est que le RPR ne devra plus exister. » Une déclaration qui traduit une vision patrimoniale du parti politique, bien loin de l’esprit démocratique que ces organisations sont censées incarner.

À la suite de cette annonce, Ntoutoume Emane invite d’ailleurs ses militants à rejoindre le parti présidentiel ou celui d’Alexandre Barro Chambrier, en mémoire du père de ce dernier, Éloi Rahandi Chambrier. Un geste symbolique, mais qui achève de reléguer les militants au rang de simples compagnons de route, déplaçables au gré des affinités et des fidélités personnelles.

La faillite du militantisme politique ?

En actant la fin du RPR comme on refermerait un chapitre personnel, Jean-François Ntoutoume Emane rappelle à quel point, au Gabon, les partis politiques se confondent trop souvent avec la figure de leur fondateur. Qu’adviendrait-il du PDG sans Ali Bongo ? Du RPM sans Barro Chambrier ? De l’Union nationale sans Missambo ? Si l’homme disparaît, tout vacille.

Ce phénomène n’est pas sans conséquence sur l’ancrage démocratique du pays. Il fragilise les partis, vide le militantisme de sa substance, et entretient une culture politique fondée sur le culte du chef plutôt que sur les idées, les projets ou l’engagement citoyen. Un parti politique appartient-il à celui qui l’a créé ou à ceux qui le font vivre ? À l’heure où le Gabon s’engage dans la Vème République, cette interrogation mérite d’être posée avec force.

Ntoutoume Emane aura marqué l’histoire politique du Gabon. Mais en éteignant sa formation sans débat, il pose une ultime question dérangeante : et si nos partis politiques n’avaient jamais vraiment appartenu aux militants ?

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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