Gabon : Port-Gentil et Libreville, prisonnières d’une géopolitique ordurière ?

À l’approche des campagnes électorales locales et législatives, la capitale gabonaise bouillonne car à la mairie de Libreville, des voix s’élèvent contre un monopole ethnique perçu comme un frein à la démocratie. Des figures comme Maître Anges Kevin Nzigou et Ike Aila Ngouoni dénoncent une « règle non écrite » qui réserve le poste de maire aux Fang de l’Estuaire ou aux Myèné, perpétuant une géopolitique héritée de l’ère Omar Bongo.
Au cœur du débat se trouve la géopolitique gabonaise, un système informel visant à équilibrer les ethnies dominantes dans les institutions clés. Sous Omar Bongo Ondimba, ce mécanisme assurait la stabilité en attribuant des postes stratégiques selon des critères ethniques et provinciaux. Par exemple, le Premier ministre était traditionnellement un Fang de l’Estuaire, jusqu’à ce qu’Ali Bongo Ondimba bouleverse les codes.
De la nécessité de poursuivre les amendements sous Ali Bongo !
Le président déchu avait changé la donne en nommant des Fang du Woleu-Ntem à la Primature en l’occurrence Daniel Ona Ondo, Raymond Ndong Sima, des acteurs de l’Ogooué-Ivindo Issoze Ngondet et Bilie-By-Nze, ou une Myèné de l’Estuaire avec Rose Christiane Ossouka Raponda. Un immobilisme a été maintenu à l’Assemblée nationale où les Nzebi de l’Ogooué-Lolo ont longtemps dominé, avec des présidents comme Guy Nzouba Ndama et Faustin Boukoubi.
Au Sénat, la succession de Georges Rawiri a été confiée à Rose Francine Rogombe. De nature à maintenir sans justification aucune le leadership Myèné des lacs. Une configuration qui répondait de cette « géopolitique ordurière ». Cette logique s’étend aux collectivités locales. À Libreville, capitale politique regroupant des Gabonais de toutes ethnies, le maire doit provenir des Fang de l’Estuaire ou des Myèné de la même province. À Port-Gentil, capitale économique, le choix se limite aux Punu ou aux Myèné.
La 5eme République à la croisée des chemins !
Ces règles non écrites interrogent la légitimité des élus. Sont-ils choisis par le vote populaire ou par une identité communautaire imposée ? Dans un pays où la diversité ethnique est une richesse, cette approche risque de transformer les élections en rituels ethniques, sapant les principes républicains. À ce propos, Maître Anges Kevin Nzigou, avocat issu de l’ethnie Punu et aspirant à la mairie de Libreville, incarne cette contestation. Lors d’un meeting tenu samedi 9 août, il a dénoncé ces pratiques qui ne cadrent plus avec la dynamique sociale et politique.
« Une règle non écrite veut que le maire de Libreville soit de l’ethnie myenè ou fang et de façon alternative, sans que les électeurs ne disent rien. Cette pratique est contraire aux valeurs républicaines. Cette logique ethnique est un poison pour notre démocratie. », a-t-il déclaré. Son discours résonne comme un appel à briser les chaînes d’un système perçu comme discriminatoire. Dans la même lignée, Ike Aila Ngouoni, ancien porte-parole de la Présidence, a exprimé son ras-le-bol sur son compte X : « Ras-le-bol des héritages figés ! Libreville n’est pas la propriété d’un groupe. Son maire doit être le choix de tous les citoyens, pas le produit d’un privilège territorial ».
Vers la fin des impositions ethniques en politique ?
Ces critiques susmentionnées soulignent un désir croissant de moderniser la politique gabonaise, en la libérant des clivages ethniques hérités de l’administration coloniale française. Face à ces tensions, le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, est appelé à agir. Désireux de changer de paradigme, le Chef de l’État doit travailler à démanteler ces codes qui emprisonnent la jeune démocratie gabonaise dans des répartitions du pouvoir obsolètes. Il est judicieux de favoriser une gouvernance inclusive, basée sur le mérite et la représentation réelle.
Le Gabon pourrait tourner la page d’une géopolitique qui apparaît aujourd’hui comme un obstacle à l’unité nationale. Alors que les campagnes s’annoncent intenses, cette remise en cause pourrait marquer un tournant. Libreville et Port-Gentil, symboles du Gabon moderne, méritent-elles d’être prisonnières de traditions dépassées ? Les électeurs trancheront, mais le débat est lancé : pour une démocratie authentique, il est temps de prioriser le vote sur l’ethnie. La balle est donc dans le camp des autorités compétentes, des acteurs politiques mais aussi des électeurs. Nous y reviendrons !
GMT TV