Gabon : menaces contre la presse, une contradiction flagrante avec la dépénalisation du délit de presse

Alors que l’ordonnance n°00000012/2018 du 23 février 2018 a dépénalisé le délit de presse au Gabon, les intimidations persistantes dont sont victimes les journalistes révèlent une inquiétante contradiction. Dans une tribune adressée à Gabon Media Time, Me Élodie Mabika Sauzé rappelle que ces pratiques constituent une atteinte directe à la Constitution et aux conventions internationales ratifiées par le pays.
Adoptée en 2018, l’ordonnance portant dépénalisation du délit de presse visait à mettre fin aux peines privatives de liberté pour les journalistes dans l’exercice de leur métier. Elle consacrait une avancée majeure en matière de liberté d’expression, garantissant aux professionnels des médias un cadre juridique plus protecteur. Mais dans les faits, cette garantie reste lettre morte.
Intimidations et menaces : une censure déguisée
Pour Me Mabika Sauzé, avocate et présidente de l’Association Acteur Politique Indépendant, « les menaces et intimidations subies par la presse représentent une violation flagrante de la liberté d’expression et d’information ». Ces pratiques, explique-t-elle, sont une forme de censure déguisée, destinée à museler les voix critiques et à priver les citoyens d’un accès à une information diversifiée et indépendante.
Or, la Constitution gabonaise et plusieurs conventions internationales – dont la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples – garantissent ce droit. En réduisant les journalistes au silence par la peur, le pays prend le risque d’étouffer le débat démocratique et d’affaiblir la transparence publique.
Une presse libre, condition de la démocratie
La juriste rappelle qu’une démocratie ne peut prospérer sans une presse libre, capable d’exercer son rôle de contre-pouvoir. « Lorsque les journalistes sont victimes d’intimidation, la presse perd sa capacité à enquêter sur les questions de gouvernance et à dénoncer la corruption », insiste-t-elle.
En fragilisant ce rôle essentiel, les intimidations minent le fondement même de l’État de droit. Elles entretiennent un climat d’opacité, empêchant les citoyens de juger en connaissance de cause l’action des dirigeants et des institutions.
Prudence et responsabilité des autorités judiciaires
Si Me Mabika Sauzé souligne qu’il ne s’agit pas « d’accorder une immunité totale aux journalistes », elle appelle les autorités judiciaires saisies à faire preuve de discernement. La nuance est claire : distinguer entre les fautes de déontologie, qui relèvent du champ professionnel et du Code de la communication, et les infractions pénales graves, qui seules justifient une action judiciaire.
Cet équilibre, poursuit-elle, est indispensable pour restaurer la confiance entre l’État, la presse et l’opinion publique. À l’heure où le Gabon cherche à renforcer son image internationale et à consolider sa démocratie, la protection réelle de la liberté de la presse apparaît comme une exigence incontournable.
GMT TV