Gabon : L’Oiseau Rare expose les plaies sociales d’un pays en perte de repères

Dans une séquence vidéo devenue virale, diffusée par le média Brut Afrique, l’artiste gabonais L’Oiseau Rare livre un témoignage d’une rare sincérité : « Quand j’étais au Gabon, j’étais un braqueur. Je suis arrivé en Côte d’Ivoire, je suis devenu un artiste. C’est bon, je ne bouge plus d’ici ». Cette déclaration, à la fois brutale et poignante, dépasse le simple aveu personnel pour dessiner une réalité bien plus large et inquiétante : celle d’un pays qui étouffe ses propres talents.
Une confession-choc, un miroir tendu à la République. Au Gabon, trop de jeunes sont réduits à choisir entre l’exil ou l’errance. Ce témoignage de L’Oiseau Rare soulève une question essentielle : qu’a-t-on fait de notre jeunesse pour que certains n’aient vu dans la délinquance qu’un tremplin temporaire, en attendant de fuir ? Car ce qui est en jeu ici, ce n’est pas simplement une trajectoire personnelle, c’est un modèle social qui exclut, hiérarchise, et marginalise tout ce qui ne rentre pas dans les cases.
La Côte d’Ivoire a été pour lui ce que le Gabon ne lui a jamais permis d’être : un espace de transformation. Là où son pays d’origine lui offrait l’ombre, il a trouvé la lumière ailleurs. Cette confession, loin d’être un cas isolé, illustre le sentiment d’abandon que ressent une frange croissante de la jeunesse gabonaise.
Quand le talent se heurte au mur du clientélisme
Ce cri brut fait écho à celui de Pharel Boukika, directeur de publication de Dépêches 241, qui dénonçait récemment sur Facebook. « Comment demander à un compatriote fraîchement diplômé […] de revenir dans un pays où les concours étatiques sont biaisés, truqués, faussés ? », dénonçait-il. Il fustige un système où les nominations « copains-coquins et consanguins » ont remplacé le mérite, et où la corruption s’exerce même dans la gestion du chômage.
Le constat est dur, mais lucide. Tant que l’État gabonais ne restaurera pas les principes de justice sociale, d’égalité des chances et de reconnaissance du mérite, les jeunes continueront à partir. Pire encore : ceux qui restent sombreront dans le silence ou la marginalisation. Et ce sont les plus brillants, les plus audacieux, qui choisiront soit l’exil soit de ne pas revenir au pays à l’issue de leur formation universitaire.
Une interpellation politique plus qu’un fait divers
Ce témoignage ne doit pas être relégué au rang d’anecdote. Il pose une question de fond : quelles conditions offrons-nous à notre jeunesse pour rêver, créer, entreprendre et réussir sans se compromettre ? Il interpelle un gouvernement qui prône la refondation nationale mais peine à briser les vieux réflexes.
Si le président Brice Clotaire Oligui Nguema veut réellement reconstruire un contrat social nouveau, cette réaction de L’Oiseau Rare doit être perçue comme un avertissement. Elle révèle un besoin profond : celui de refonder les institutions, de dépolluer les mécanismes de nomination et de remettre le mérite au cœur de la République.
Redonner à la jeunesse l’envie d’y croire
L’Oiseau Rare 8G+ n’a pas cherché à faire la morale. Il a simplement raconté sa vérité. Une vérité inconfortable, mais essentielle. Celle d’un Gabon où l’on peut devenir artiste, à condition d’abord de s’enfuir. Il ne s’agit plus de condamner, mais de comprendre, d’agir et de réparer.
Ce miroir tendu par un ancien « braqueur » devenu artiste est une leçon pour tout un pays. Le talent existe. Le potentiel est là. Encore faut-il que la République accepte enfin de les accueillir et de leur offrir en toute transparence plus d’opportunités.
GMT TV