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Gabon : libérée après 11 ans sans jugement, « Maman Brigitte » incarne les dérives de la détention préventive

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C’est une image pleine d’émotion et de dignité. Ce mardi, les locaux de l’ONG SOS Prisonniers Gabon ont accueilli « Maman Brigitte », une ancienne détenue de la prison centrale de Libreville, libérée le 28 mars dernier après 11 longues années passées en détention préventive sans jugement.

Placée sous mandat de dépôt depuis le 12 février 2014, cette femme discrète et éprouvée est aujourd’hui le symbole vivant des abus systémiques de la justice pénale gabonaise.« Quand les détenues ont vu le procureur général, c’était vraiment une joie pour nous qui avions déjà perdu espoir depuis longtemps… », a-t-elle confié, la voix tremblante, à la sortie d’une visite de gratitude au président de l’ONG SOS Prisonniers Gabon, Lionel Ella Engonga.

Une descente inédite du parquet général

Cette libération intervient dans un contexte exceptionnel. Le 28 mars 2025, le procureur général de la Cour d’appel de Libreville, le Dr. Eddy Minang, a effectué une visite surprise à la prison centrale. Un geste rare, mais fort, qui s’est soldé par la libération immédiate de plus de 100 détenus, dont les dossiers étaient introuvables, oubliés, ou dont les peines étaient expirées depuis des années.

Parmi eux, Armand Penda, détenu depuis plus de 20 ans dans des conditions juridiquement douteuses, a également recouvré sa liberté. Son dossier, suivi par SPG, a été transmis à la Direction générale de la documentation et de l’immigration (DGDI) en vue de son rapatriement.

Une justice qui tente de se racheter

Face à une population carcérale surpeuplée et à des pratiques judiciaires décriées, cette initiative du parquet est perçue comme un premier pas vers la réhumanisation des prisons. SOS Prisonniers Gabon a salué une démarche salutaire, tout en appelant les parquets généraux de l’intérieur du pays à suivre l’exemple de Libreville. « Nous avons rarement vu un procureur général effectuer une descente en prison et procéder à des libérations massives dans le respect du droit », souligne l’ONG.Autre mesure annoncée : lors des prochaines sessions criminelles, les dossiers les plus anciens seront systématiquement priorisés.

Une réforme de bon sens qui vise à éviter que des affaires datant de 2022 soient jugées avant celles de 2015 ou 2014, comme ce fut longtemps le cas.Le combat pour la dignité carcérale continueLa libération de « Maman Brigitte » n’est pas une victoire isolée. Elle incarne l’urgente nécessité d’un audit structurel de la justice pénale gabonaise, où la présomption d’innocence est trop souvent sacrifiée sur l’autel des lenteurs administratives et de la négligence.

En attendant que cette dynamique se consolide, SOS Prisonniers Gabon reste mobilisée pour que plus jamais aucun citoyen ne subisse l’indignité d’une détention sans fin et sans procès. « Humanisons les prisons », martèle l’ONG. Pour que la prison redevienne un lieu de réinsertion et non de disparition.

Lyonnel Mbeng Essone

Rédacteur en chef adjoint, je suis diplômé en droit privé. J'ai longtemps fourbi mes armes dans les cabinets juridiques avant de me lancer dans le web journalisme. Bien que polyvalent, je me suis spécialisé sur les questions sociétés, justice, faits-divers et bien sûr actualités sportives.

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