Gabon : l’électorat de Jean Ping, la grande équation pour l’opposition
A un peu plus d’un mois du scrutin présidentiel, l’heure est à la remise des dossiers de candidature au Conseil Gabonais des élections (CGE). Alors que le camp présidentiel tente de resserrer les rangs autour de « son champion » malgré quelques défections et non des moindres, la stratégie de l’opposition peine encore à se dessiner. S’il est désormais certain que Jean Ping ne sera pas candidat, la grande inconnue reste l’attitude de son électorat.
Interrogé la semaine dernière par nos confrères de l’hebdomadaire La Loupe au sujet des candidatures de Paulette Missambo et Alexandre Barro Chambrier, l’opposant et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle, Jean Ping a affirmé qu « si certains estiment, en leur âme et conscience qu’il faut y aller, je ne peux que prendre acte ». Une réponse vague qui décrit le climat de confusion qui règne au sein de l’opposition gabonaise en quête d’une candidature « consensuelle ».
Celui qui se dit toujours « président élu » et qui s’est mis en marge de tout scrutin électoral depuis les législatives de 2018, a depuis pris acte des différences stratégiques entre sa Coalition pour la nouvelle république (CNR) et plusieurs de ses anciens amis, aujourd’hui réunis au sein de la plateforme Alternance 2023. Une rupture qui permet de s’interroger plus que jamais sur le positionnement de son électorat aujourd’hui dans l’indécision.
L’électorat de Jean Ping a deux particularités. Il est composite, mais assez structuré dans son choix. Principalement composé de jeunes diplômés qui peinent à trouver des opportunités, et de jeunes non diplômés issus de milieux défavorisés, mais aux fortes convictions politiques. Il se complète d’une frange d’opposants dont l’âge moyen oscille entre 35 et 50 ans, des deux sexes et dont la mobilisation dépend de la dynamique potentielle. Cette dernière frange est assez volatile et peut bouleverser la configuration d’un résultat électoral. C’est toutefois un électorat qui vote de manière assez ordonnée contre le pouvoir, lorsqu’il se mobilise.
Un électorat au comportement structuré, mais stimulé par une dynamique naissante
Sociologiquement, le positionnement de l’électorat de l’opposition à un scrutin présidentiel, obéit généralement à une logique protestataire. Les électeurs s’inscrivent globalement à contre-courant du programme proposé par le camp d’en face. Dans le choix qu’ils opèrent, ils sont stimulés par une dynamique qui naît en faveur d’une personnalité qui parvient à se distinguer. Ainsi, l’engouement suscité par l’opposant Jean Ping en 2016 ne s’est pas fait ressentir en période de pré-campagne. Au contraire, les événements se sont accélérés à quelques jours du vote, au gré des ralliements des poids-lourd de l’opposition.
La confusion qui règne aujourd’hui au sein de l’opposition laisse pour le moment cet électorat dans l’expectative. Et même les nombreux contacts informels ou officiels qui se multiplient entre les différents états-majors de l’opposition en vue de parvenir à une formule consensuelle, peinent pour le moment à les rassurer. Peut-être la dynamique viendra-t-elle de la société civile, réunie autour du Consortium de la société civile pour la transparence électorale et la démocratie au Gabon (COTED-Gabon), organisation affiliée à la plateforme Alternance 2023. Ils se sont engagés à se ranger derrière le candidat qui émergera à l’issue du congrès prévu se tenir le 29 juillet prochain à Libreville.
Mobiliser sa base avant de se lancer à l’assaut des « pinguistes »
Bien que la plateforme Alternance 2023 compte à ce jours six candidatures déclarées à l’élection présidentielle, les regards restent tournés vers les deux personnalités les plus en vue du moment, à savoir, Alexandre Barro Chambrier et Paulette Missambo, investis par leurs formations politiques respectives, le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) et l’Union nationale (UN). Après avoir tous les deux œuvré à la naissance de la plateforme Alternance 2023, chacun essaie à présent de fédérer sa base, de convaincre les plus indécis, dans l’optique d’arriver en position de force dans le cadre d’une bataille en vue de prendre la tête de l’opposition.
Si cette étape semble être une formalité pour ces deux anciens ministres d’Omar Bongo, le plus difficile en revanche sera de parvenir à trouver la formule qui permette de créer la dynamique nécessaire pour susciter la mobilisation des « pinguistes ». Une équation davantage compliquée par la prise de position récente de Jean Ping, qui n’a pas l’intention de soutenir un candidat. Le congrès du Coted le 29 juillet sera donc très scruté par les observateurs de la vie politique, car déterminant pour l’avenir de l’opposition gabonaise dans cette élection à un tour.