Gabon : le SYNAMAG dénonce un Conseil supérieur de la magistrature hors-la-loi

Le Syndicat national des magistrats du Gabon (SYNAMAG) est sorti de sa réserve. Dans une communication musclée tenue ce 19 septembre 2025, son président, Landry Abaga Essono, accuse le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) d’« entorses répétées à la loi » lors de sa session extraordinaire du 12 septembre 2025. Le syndicat prévient : à défaut de corrections rapides, les magistrats lésés saisiront le Conseil d’État.
Au cœur du grief central, une illégalité procédurale devenue, selon le SYNAMAG, « récurrente » : la session ordinaire du CSM, que l’article 13 de la loi organique n°017/2022 fixe au mois de juillet, n’est plus respectée. Tenues tardivement, les décisions tombent après la rentrée scolaire et à l’orée de la rentrée judiciaire, plongeant les magistrats mutés dans une insécurité professionnelle et familiale (logement, déménagement à leurs frais, scolarisation des enfants) et compromettant la continuité du service public.
Calendrier légal bafoué, service public fragilisé. Pour le SYNAMAG, ce non-respect du calendrier n’est pas un détail administratif : c’est la traduction d’une gouvernance défaillante de l’organe qui est censé « veiller à la bonne administration de la justice ». Résultat : retards de prise de fonction, juridictions désorganisées, justiciables pénalisés.
Le syndicat rappelle que le législateur a précisément choisi juillet pour permettre aux magistrats de s’installer avant la rentrée judiciaire du 1er octobre. À l’inverse, la tenue tardive des sessions crée un effet domino délétère : familles déstabilisées, postes vacants, charges reportées et audiences perturbées.
Double standard, non-affectations et titularisations oubliées. Le réquisitoire ne s’arrête pas au calendrier. Le SYNAMAG fustige un « double standard » en matière de réintégration après détachement. Cas emblématique : un magistrat ancien président de chambre (groupe 4) réintégré… comme secrétaire général de la chancellerie (groupe 7), en contradiction avec l’article 131 du statut qui impose un retour aux fonctions antérieures ou équivalentes.
Autre dysfonctionnement : des retours en juridiction non suivis d’affectation, alors même que les intéressés ont été remplacés. Des noms sont cités (ANDEME EGJO Linda, PANDJA BOTCHI Alida, BEKWISSI Bridon Romaric, SANDZI Florence), preuve d’un pilotage administratif erratique qui laisse des collègues « dans le flou » et des juridictions « en sous-régime ».
Stagiaires : la loi dit « titularisés d’office », le CSM temporise. Plus grave encore, le traitement des magistrats stagiaires. Sur 141, seuls 105 ont été titularisés en 2024. Pour les 36 restants, la loi est pourtant claire : à défaut de décision notifiée dans les trois mois, ils sont titularisés d’office (article 94). Selon le SYNAMAG, ce délai a expiré… en novembre 2024. En 2025, le CSM n’a régularisé que 18 dossiers sur 36, maintenant arbitrairement 18 jeunes collègues dans une zone grise illégale. Le syndicat parle d’« acharnement incompréhensible » et rappelle la compétence liée : le CSM ne peut plus apprécier, il doit constater et prendre acte.
Maintiens en activité, promotions et politique : le cocktail explosif
Le syndicat dénonce des maintiens en activité au-delà de l’âge légal de départ alors que l’exécutif avait demandé d’y mettre fin pour libérer des postes et rajeunir les effectifs. Huit magistrats sont cités. À cela s’ajoutent des promotions sans inscription préalable au tableau d’avancement, en violation de l’article 117.
Sur le terrain politique, l’alerte est rouge : malgré l’interdiction de toute démonstration politique (article 17 du statut) et les règles du Code électoral (articles 190 et 375 : disponibilité obligatoire dès la déclaration de candidature), des magistrats investis pour les législatives et locales n’auraient reçu aucun acte formel de mise en disponibilité et certains continueraient d’exercer. Le cas d’un inspecteur général des services judiciaires candidat est pointé : un mélange des genres « intenable » pour l’éthique judiciaire.
L’affaire « juge d’instruction » d’Oyem, la faute de trop
Symbole des dérives, enfin : la nomination d’une non-magistrate comme juge d’instruction à Oyem, identifiée comme clerc d’huissier. Même corrigée par un erratum, cette bévue, ajoute le SYNAMAG, s’ajoute à une autre blessure : la mention d’un magistrat décédé parmi les nommés. De quoi interroger « le sérieux des travaux préparatoires » d’un organe où siègent ministres, parlementaires, hauts magistrats et chef de l’État.
Le SYNAMAG ne se contente pas de dénoncer : il met en demeure le CSM de corriger ses décisions irrégulières (réintégrations, affectations, titularisations d’office, mises en disponibilité, promotions) et de revenir au calendrier légal. À défaut, recours devant le Conseil d’État.
La charge est politique autant que juridique : « Soit le CSM se résout à respecter la loi, soit on le dissout à défaut de revoir sa composition, son organisation et son fonctionnement. » Dans un pays qui proclame refonder l’État de droit, l’organe gardien de l’autorité judiciaire ne peut plus s’autoriser la légèreté normative. Le message est clair : la justice gabonaise ne se réformera pas avec des textes violés, mais avec des règles appliquées.
GMT TV