Gabon : 100 jours de réformes, mais l’eau et l’électricité manquent toujours

Cent jours après avoir prêté serment, le président Brice Clotaire Oligui Nguema revendique un bilan solide : chantiers d’infrastructures, réformes économiques, discipline de gouvernance. Mais derrière les inaugurations et les annonces, les coupures d’eau et d’électricité, l’absence d’autoroutes et les critiques sur une justice à deux vitesses rappellent que la transformation promise reste encore un horizon lointain.
Un héritage lourd et une méthode militaire. Arrivé au pouvoir le 3 mai 2025, au terme de 19 mois de transition, le chef de l’État hérite d’un pays sous tension : dette publique avoisinant 7 500 milliards de FCFA, dépendance pétrolière (70 % des exportations), chômage massif des jeunes (36 % chez les 15-24 ans), infrastructures délabrées, crise énergétique chronique.
Pour y répondre, il impose une gouvernance « à la caserne » articulée autour de six priorités : eau, électricité, infrastructures, diversification économique, capital humain, jeunesse et reconstruction de l’État. Objectif affiché : résultats mesurables et évaluations semestrielles. Mais la rigueur des tableaux de suivi se heurte à la lenteur des transformations visibles sur le terrain.
Des réalisations… et des manques flagrants
Sur le papier, les avancées existent : modernisation d’équipements à Franceville, hôpital départemental à Moanda, complexe administratif de Ndendé, des équipements administratifs à Fougamou , barrage de Kinguélé-Aval à 54 % d’avancement, école et perception à Kango, station services à Cocobeach, marché à Lambaréné et nouveau siège pour Gabon 24. L’opération « Mouele » a permis de restructurer 1 400 milliards de FCFA de dette, et cinq fonds stratégiques ont été créés pour soutenir les secteurs clés.
Mais dans les foyers, la réalité est moins flatteuse : plus d’une centaine de coupures électriques majeures depuis mai, robinets à sec dans plusieurs quartiers y compris dans le centre-ville de Libreville, 1 200 familles déplacées dont près de 80 % vivent encore sous des tentes. Pour Michel Ongoundou Loundah, président du mouvement REAGIR, la Vème République « s’essouffle déjà ».
Des choix politiques sous surveillance
La libération rapide de plusieurs membres de la famille Bongo, alors que d’autres détenus comme le lieutenant Kelly Ondo restent incarcérés quand bien même, une loi amnistie sera prise à son encontre, nourrit les accusations de justice sélective. Dans un contexte où les législatives et locales de septembre-octobre, puis les sénatoriales de novembre, détermineront l’ampleur de sa majorité, le président joue gros.
L’arène politique est d’autant plus mouvante que l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), son parti, et les anciens barons du Parti Démocratique Gabonais (PDG) se disputent le terrain, tandis qu’une opposition revigorée avec en tête de proue Ensemble pour le Gabon (EPG) d’Alain Claude Bilie-By-Nze arrivé 2ème à la présidentielle, tente de capitaliser sur les frustrations sociales.
Une équation sociale explosive
Les pénuries d’eau et d’électricité restent le talon d’Achille du pouvoir. L’impatience monte, et le capital politique engrangé lors de la victoire pourrait s’éroder si les progrès ne sont pas rapidement perceptibles. Les îles Mbanié, Corisco et Conga perdues au profit de la Guinée équatoriale, demeurent un point de crispation diplomatique, symbole des défis de souveraineté qui s’ajoutent aux urgences internes.
Pour Brice Clotaire Oligui Nguema, le défi est désormais clair : passer du temps des annonces à celui des preuves concrètes. Car les Gabonais ne jugeront pas sur des bilans PowerPoint, mais sur la simplicité d’un robinet qui coule, d’une ampoule qui s’allume ou d’une route praticable pour rallier les quartiers de Libreville et au mieux tous les chefs-lieux de départements du Gabon.
Du discours à la preuve par les actes
Le pari présidentiel est d’installer une rupture réelle, et pas seulement narrative. Dans les cent prochains jours, il devra démontrer que la discipline militaire appliquée à la République peut vaincre l’inertie structurelle et les réflexes de népotisme, de favoritisme, d’obscurantisme, de tribalisme, de despotisme de l’ancien régime .
Faute de quoi, la promesse de renouveau risque de s’éteindre avant même d’avoir éclairé le quotidien.
GMT TV