Gabon : le gouvernement entreprend l’entrée au capital de la Santé pharmaceutique à hauteur de 30 %

Dans un contexte où le gouvernement encourage la transformation locale et l’investissement national direct, l’État gabonais a pris la décision stratégique d’acquérir 30 % du capital de l’usine Santé Pharmaceutique, implantée dans la zone économique spéciale de Nkok. Cette initiative pourrait marquer un tournant décisif vers une plus grande souveraineté sanitaire, en remettant en question la dépendance persistante du système de santé aux importations.
Dotée d’une autorisation de mise sur le marché pour 40 produits et d’une exclusivité nationale pour une vingtaine de molécules essentielles, l’usine Santé Pharmaceutique est aujourd’hui à l’agonie. Selon les données recueillies par Gabon Media Time au cours d’une enquête sur le terrain, l’entreprise n’a réalisé qu’un chiffre d’affaires de 4 millions de FCFA en 2024, pour des dépenses mensuelles dépassant les 100 millions de FCFA. Sur les 300 emplois projetés, seuls 85 salariés sont encore en activité, 15 ayant déjà été licenciés. Pire : 500 millions de FCFA de stocks dorment dans les entrepôts de l’usine, faute de débouchés commerciaux dans un circuit de distribution verrouillé.

Ces chiffres traduisent un paradoxe douloureux pour une entreprise censée incarner l’ambition de transformation locale et la souveraineté du pays en matière de santé publique, dans un monde de plus en plus exposé à des pandémies de toute sorte. Les produits de cette entreprise sont pourtant vendus 40 % moins chers que ceux importés, tout en répondant aux normes internationales et à la réglementation nationale en vigueur.
L’État entre au capital, mais doit aller plus loin
L’objectif affiché par le gouvernement dans sa décision d’entrer au capital de la Santé Pharmaceutique est clair, en faire un levier stratégique dans sa politique de santé publique. « Si l’État mobilise des fonds pour entrer au capital d’une telle entreprise, c’est parce qu’il y a derrière un projet. C’est pour mieux encadrer, soutenir et libéraliser l’accès de ces produits sur tout le territoire national », a indiqué le porte-parole de la présidence de la République, Théophane Nzame-Nze Biyoghe, interrogé sur la question lors de sa conférence de presse du 04 juillet dernier.
Un engagement de taille, qui témoigne de la volonté de redonner vie à un outil industriel national. Toutefois, cette participation publique ne saurait suffire sans une inclusion effective de l’entreprise dans la politique sanitaire nationale, en particulier dans la remise en service des pharmacies hospitalières, aujourd’hui largement inopérantes au nez et à la barde du ministère de la Santé et de l’Agence nationale du médicament.
Comment comprendre que les patients, de nuit, soient contraints de quitter l’hôpital public pour aller chercher leurs médicaments dans des pharmacies de garde ? Cette situation, indigne d’un pays qui se veut souverain et protecteur de sa population, interpelle directement le ministère de la Santé et appelle à une réforme structurelle du circuit du médicament.
Vers une souveraineté sanitaire réelle
La reconsidération du rôle stratégique de la Santé Pharmaceutique est un test grandeur nature pour le gouvernement. Au-delà de l’investissement financier, il s’agit d’intégrer durablement cette unité de production de dernière génération dans les dispositifs de commande publique, dans la couverture des besoins hospitaliers, et dans les politiques de maîtrise des coûts de santé, notamment au sein de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS).
En entrant dans le capital de l’entreprise, l’État ne doit pas seulement chercher un retour sur investissement. Il s’agit de rétablir une logique de service public, de créer des emplois qualifiés, de réduire la dépendance aux importations et, surtout, de garantir un accès équitable et efficace aux médicaments pour tous les Gabonais. L’État entend poser un acte fort. Il lui reste maintenant à le transformer en politique publique cohérente et pérenne.
GMT TV