Gabon : le GIP, un outil de communication ou un mécanisme détourné pour faire porter des salaires à La Poste SA ?

Créé sous l’impulsion de Laurence Ndong lorsqu’elle était ministre de la Communication, le Groupement d’Intérêt Public (GIP) suscite aujourd’hui de vives interrogations. Derrière une façade institutionnelle, cet organe chargé de porter les ambitions numériques du gouvernement impose à La Poste SA le paiement de 10 millions de FCFA de salaires mensuels. Une décision qui soulève la question : n’était-ce pas, dès le départ, un dispositif destiné à faire supporter des charges sans contrepartie réelle à une entreprise en quasi-faillite ?
Derrière le sigle technocratique GIP – Groupement d’Intérêt Public – se cache une initiative censée symboliser la modernisation de l’action publique. Porté par Laurence Ndong à l’époque où elle était ministre de la Communication et des Médias, ce groupement a été présenté comme un organe de mutualisation stratégique des ressources humaines et techniques au service de l’État numérique. Mais plusieurs mois après sa mise en place, les premiers effets se font surtout sentir… sur la trésorerie de La Poste SA.
La Poste SA, nouveau payeur malgré elle ?
Selon des sources internes recoupées par Gabon Media Time, la direction générale de La Poste SA, entreprise déjà sous perfusion étatique, se serait vu imposer le paiement mensuel de 10 millions de FCFA de salaires au profit du personnel du GIP, sans budget d’accompagnement, sans plan de transfert de compétences, et sans convention clarifiée sur les responsabilités partagées.
« Ce que l’on demande à La Poste, c’est de supporter une masse salariale qui ne lui revient pas, pour une structure dont elle ne maîtrise ni le budget, ni les objectifs concrets. C’est une aberration économique », confie un cadre proche du dossier.
Un mécanisme opaque et potentiellement irrégulier
Ce qui choque, au-delà du montant en jeu, c’est l’opacité entourant la création même de ce GIP. Son acte constitutif, les modalités de financement et la nature exacte des liens contractuels entre ses membres restent flous. La Poste, en grande difficulté financière, n’a ni le profil ni les capacités d’un organisme recruteur pour le compte de l’État, encore moins en dehors d’un cadre budgétaire voté.
« On a tout simplement créé une coquille administrative pour y loger des agents que l’on ne pouvait pas salarier officiellement au ministère, et on a fait porter la charge à une entreprise publique au bord du dépôt de bilan. Voilà la réalité », dénonce un expert en finances publiques qui a requis l’anonymat.
Le risque d’une dilution des responsabilités
La responsabilité de cette manœuvre – si elle se confirme – incomberait directement à l’ex-ministre de la Communication et des Médias. Car en initiant ce GIP dans son portefeuille ministériel, sans en garantir le financement ni l’utilité directe pour La Poste, elle aurait contribué à aggraver une situation déjà précaire.
Aujourd’hui, la Poste SA se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, selon des éléments comptables internes. L’ajout de charges externes sans financement dédié ne fait qu’accélérer la chute. Et pendant ce temps, aucun audit, aucune décision gouvernementale claire, aucun redressement ne semblent envisagés.
Vers une clarification politique ?
Cette affaire relance plus largement le débat sur l’utilisation des entreprises publiques comme caisses parallèles, au mépris de leur équilibre financier et de leur mission de service public. Le gouvernement de la Transition, s’il veut restaurer la confiance, devra clarifier le statut du GIP, justifier les affectations salariales opérées, et surtout, décharger La Poste de responsabilités qui ne relèvent ni de son mandat, ni de ses moyens.
Le président de la République Brice Clotaire Oligui Nguema, engagé dans une dynamique de rupture et de transparence, saura-t-il exiger des comptes ? La question mérite d’être posée.
GMT TV