Gabon : « le dieu président doit aussi être déchu »
Le président est déchu, vive le Président de la transition ! Etant donné que nous étions dans une sorte de royaume, je crois que cette formule est celle qui convient le mieux.
C’est enfin notre essor vers la félicité ! Cette phrase de notre hymne national a du sens aujourd’hui pour le commun des gabonais. Oui, le régime bongo est enfin tombé n’en déplaisent à ceux qui croient à une main noire de celui-ci qui manipulerait le Président Oligui Nguema. Quoi que vous en disiez, le régime Bongo est quand même tombé !
Cette chute de l’ancien régime soixantenaire est une victoire à la Pyrrhus car de nombreux compatriotes ont perdu leur vie depuis 1990 pour que ce jour arrive. C’est sur les cadavres, les ruines, les larmes, les blessures et les nombreuses souffrances des gabonais que notre pays est parvenu à se libérer ce 30 Aout 2023.
Du père Président Omar Bongo au fils Président Ali Bongo, un fait indéniable qui en réalité est au cœur de tous les problèmes, revenait à chaque fois. Il s’agit des pouvoirs qu’a le Président de la République. Je parle non seulement des pouvoirs conférés par la constitution mais également de ces autres pouvoirs qui font de lui un demi Dieu.
Qu’est ce qui a causé le coup d’Etat ?
Les pouvoirs même du Président de la République sont à l’origine de la chute de ce régime. On dit souvent que « Les plus grandes maladies du corps humain sont souvent celles de la tête ». A mon humble avis, il en est de même pour un Etat. La situation du Président Ali bongo incarnait à elle seule cette citation. En tant que personne, Il avait été victime d’un AVC qui l’a fortement diminué. En tant que chef de l’Etat, cette maladie avait précipité le chaos au sein du pouvoir et de l’Etat.
Ali Bongo était un homme affaibli par la maladie dont le poste de Président est hyper puissant. Etant donné que le Président ne parvenait plus à jouir de toutes sa puissance c’est-à-dire gouverner le pays au sens large de ses pouvoirs, il fallait bien que quelqu’un ou un groupe de personnes le fasse à sa place pour maintenir le pays en marche. Et bien, c’est en cela que réside le mal profond de notre système politique.
Si véritablement le Premier Ministre exerçait pleinement une partie du pouvoir exécutif qu’il partage avec le Président de la République, cela signifie qu’il pouvait gouverner le pays même avec un président amenuit par la maladie . Ce que nous avons vu c’est une succession de Premiers Ministres politicards qui passaient plus le temps à charmer le Président de la République qu’à faire ce pourquoi ils avaient été nommés, à savoir exécuter sa politique. En parlant de politique du Président, je me demande s’il y en avait encore une étant donné que le pouvoir dans son entièreté semblait naviguer dans un océan d’incongruité, de contraction et d’amateurisme.
Le Dieu Président
Je le dis aujourd’hui, les pouvoirs du Président de la République sont la cause du problème de notre pays.
Le Président de la République est un demi Dieu au Gabon. Il y a une sorte de divinité dans tout ce qu’il dit et fait. Il se croit éternel, c’est pourquoi il voulait rester au pouvoir à vie. Quand il pose un acte c’est de la providence et quand il dit quelque chose c’est de la prophétie.
Tout ce qui est fait est de son fait même lorsqu’il n’est pas au courant. Une formule créée par l’ancien Premier Ministre Ntoutoume Emane traduit parfaitement l’image divine du Président. Il s’agit de : » Sous la haute inspiration de Président de la République« . C’est dire combien ses idées, ses propositions sont supérieures à celles de ses semblables.
Lorsque le Dieu Président prend une décision comme la nomination à un poste par exemple, personne ni aucun organe ne peut la révoquer. Le Président Omar Bongo disait qu’il pouvait faire d’un « chien un ministre et d’un ministre un chien ». Cette phrase qui est restée un canevas dans la gouvernance de l’Etat, prouve clairement la toute-puissance du Président de la République. On a eu des hommes et femmes nommés à de hautes fonctions mais qui pourtant n’avaient aucunement la compétence requise. D’ailleurs le Président Oligui Nguema avait mentionné ces manquements lors de l’une de ses premières prises de parole en septembre dernier.
Comment expliquer la nomination de Nourredine Bongo, fils d’Ali Bongo au poste de Coordinateur général des affaires présidentielles sans qu’aucun organe ni institution de l’Etat ne la valide ou n’en donne son avis ou aval ? D’autant plus que ce poste avait été créé pour lui. Cette façon de faire ne peut que conduire à des dérives profondes dans la gestion de l’Etat.
Les contre-pouvoirs
Le Président de la République ne peut pas être juge et parti en tout et pour tout, cela l’induirait fatalement en erreur et pourrait conduire l’Etat dans une instabilité.
Je crois que l’un des premiers chantiers du nouveau Gabon serait de revoir la constitution sur les pouvoirs du chef de l’Etat. Nous devons avoir un Président qui joue un rôle de régulateur, il donne la vision de l’Etat et laisse le gouvernement, le parlement et les autres institutions et organes de l’Etat la charge de la mettre en exécution d’une part et jouer le rôle de contre-pouvoir d’autre part. C’est pourquoi je vais pleinement militer pour un régime parlementaire afin que la démocratie représentative soit adoptée au Gabon. C’est un excellent moyen d’impliquer toutes les couches sociales dans la gestion de la chose publique. Le Président de la République doit savoir qu’il n’est pas seul à décider pour des millions de gabonais.
Dans une démocratie, les contre-pouvoirs ont un rôle important, ils préviennent des abus potentiels occasionnés par le pouvoir. Pour leur efficacité, les contre-pouvoirs doivent être légitimes, libres et transparents pour éviter de retomber dans les institutions et organes fantoches, cupides et illégitimes que nous avons connu durant ces dernières années.
C’est vivement que nous attendons ces modifications lors de la conférence nationale annoncée par le CTRI afin de ne plus vivre tous les travers observés sous le régime déchu.
J’y serai !
Barack Nyare Mba, blogueur.