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Gabon : « Le 12, c’est le 12… » et après ?

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« Le 12, c’est le 12 ». Le slogan est devenu un mantra, un talisman, une incantation collective récitée en boucle par les partisans du président fraîchement élu, Brice Clotaire Oligui Nguema. Le 12 avril 2025, jour sacré de la présidentielle gabonaise, est désormais gravé dans le marbre patriotique comme la date de la “libération” du peuple. Pourtant, à peine un mois plus tard, ce même peuple commence à se demander s’il n’a pas voté avec les yeux fermés et les poches ouvertes à la désillusion.

Parce qu’il faut bien le dire : « Le 12, c’était beau. » Les drapeaux flottaient, les foules chantaient, les influenceurs (très bien briefés) distribuaient les sourires et les tee-shirts floqués C’BON. On parlait de justice, de fin de l’impunité, de « Nouveau Gabon ». Puis, le 16 mai au matin, les Gabonais ont découvert – non pas via un communiqué présidentiel, non pas par une déclaration du porte-parole du gouvernement, encore moins par une conférence de presse judiciaire – mais par la page Facebook de la Présidence… angolaise, que la famille Bongo au grand complet avait pris ses quartiers à Luanda, dans la douceur d’un exil doré.

Silence, on exfiltre

Ali Bongo, son épouse Sylvia, et leur fils Noureddin, qu’on nous avait pourtant décrits comme les piliers d’un système à la dérive, épinglés pour détournements, montages financiers opaques et dilapidation du bien public, ont donc quitté le pays. La nuit, discrètement. Et pendant ce temps ? Le gouvernement jouait à cache-cache avec l’information.

Un internaute a résumé le malaise général : « Le 12, c’est le 12… mais le 16, c’est la trahison. »

Les influenceurs en RTT

Pas un mot, pas un tweet, pas un post Instagram. Les influenceurs, qui le 12 avril encore demandaient aux Gabonais de voter pour le futur, le vrai, se sont mystérieusement volatilisés. Bandecon, Wayi, la chanteuse Créol et consorts – eux qui avaient fait de la campagne une affaire personnelle – sont étrangement silencieux. Peut-être en train de digérer l’énorme poisson d’avril servi un mois trop tard.

Justice sélective et sabbat diplomatique

Sur les réseaux sociaux, certains ironisent : « Quand tu voles un téléphone, tu fais six mois à Gros-Bouquet. Quand tu vides un pays, tu fais un aller simple pour Luanda avec escorte présidentielle. » D’autres encore suggèrent d’offrir le prix Nobel de la discrétion diplomatique au président João Lourenço pour sa maestria dans l’exfiltration.

Mais ce qui frappe le plus, c’est l’ampleur du silence institutionnel. Pas un mot du ministre de la Justice, Seraphin Davin Akure. Pas une ligne du ministre de la Communication Paul Marie Gondjout ou de sa collègue porte-parole réduite à la lecture des communiqués finaux des Conseils des ministres. Pas un grincement du parquet. Et la fameuse 5e République, promise comme celle de la transparence et de la rupture, donne déjà l’impression d’une République à géométrie variable, une République bananière. 

En attendant le 13…

Alors oui, le 12, c’était le 12. Un raz-de-marée électoral, une ferveur populaire, un espoir immense. Mais le 12 sans 13, 14 et 15 cohérents, c’est comme un film sans fin : frustrant. Et si les Gabonais, entre deux memes Facebook et quelques larmes de colère, commencent à dire que « le 12, c’était du cinéma », il serait peut-être temps, pour le nouveau pouvoir, de revenir au scénario promis.

Car une république ne se construit pas sur des likes, des slogans ou des départs nocturnes. Elle se bâtit sur la vérité, la justice et la confiance. Et à ce jour, beaucoup de Gabonais ont le sentiment qu’on leur a volé leur 12.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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