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Gabon : la Transition face au spectre de l’immobilisme politique

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Alors que le processus de transition au Gabon approche de son échéance avec l’élection présidentielle du 12 avril 2025, des voix s’élèvent pour questionner la réelle portée du « coup de la libération » du 30 août 2023. Parmi elles, celle de l’universitaire et enseignant-chercheur Romuald Assogho Obiang, qui, dans une tribune publiée récemment, dresse un constat critique de la gestion du pouvoir par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI). Pour lui, au-delà des promesses initiales de rupture, la Transition semble s’enliser dans une reproduction des pratiques dénoncées sous le régime déchu d’Ali Bongo Ondimba.

Dès l’éviction d’Ali Bongo, les nouvelles autorités avaient promis de mettre fin aux dérives de l’ancien régime. Pourtant, près d’un an et demi plus tard, Romuald Assogho Obiang s’interroge : « Fallait-il que tout change pour que rien ne change ? ». Pour l’enseignant-chercheur, plusieurs signaux laissent penser que la Transition a été captée par des intérêts particuliers, au détriment des aspirations profondes du peuple gabonais. Il cite notamment la résurgence du Parti Démocratique Gabonais (PDG), que le Dialogue National Inclusif avait pourtant largement condamné, mais dont les cadres continuent d’occuper des postes stratégiques.

Autre point d’achoppement, l’adoption d’une nouvelle Constitution jugée « hyper-présidentialiste » et d’un Code électoral qui, loin de garantir la transparence et l’inclusivité des futures élections, entérine plutôt une immixtion inédite des militaires et des magistrats dans le processus politique. « Comment justifier que des hommes en armes puissent désormais être candidats à des élections civiles, alors même qu’ils sont garants de la neutralité et de la sécurité des institutions ? », s’interroge-t-il.

Des promesses non tenues et des crises persistantes

Loin des discours optimistes de la Transition, plusieurs indicateurs préoccupants viennent ternir le bilan du CTRI. Parmi eux, la persistance des coupures d’électricité, les retards dans le paiement des bourses scolaires et universitaires, la précarité économique grandissante et l’absence de véritables réformes structurelles. « On attendait des militaires qu’ils fassent mieux, pas qu’ils fassent pareil ou moins mal », assène Romuald Assogho Obiang, pointant une gestion marquée par l’amateurisme et les tergiversations.

En parallèle, la montée d’un discours tribaliste et clientéliste alimente les inquiétudes quant à la fracture sociale qui se creuse dans le pays. « Plutôt que de restaurer la République, la Transition semble encourager une logique d’exclusion et de prébendes familiales », souligne-t-il, appelant les autorités à revenir à l’esprit du 30 août 2023, censé marquer un tournant décisif dans l’histoire politique du Gabon.

Un avenir politique déjà scellé ?

Alors que la présidentielle se profile, une question cruciale demeure : le général Brice Clotaire Oligui Nguema sera-t-il candidat ? De nombreux observateurs estiment que l’ensemble des réformes mises en place sous la Transition vise à sécuriser une éventuelle candidature du chef de l’État. Pour Romuald Assogho Obiang, cette hypothèse viendrait confirmer que le coup d’État n’aura été qu’un « simple réaménagement du pouvoir », plutôt qu’un véritable acte de rupture avec le passé.

En somme, la Transition est désormais face à un dilemme historique. Soit elle parvient à restaurer la confiance du peuple en menant à bien les réformes promises, soit elle s’expose au risque d’un retour au statu quo, faisant du « coup de la libération » une illusion de changement. Reste à savoir si, dans les mois à venir, le CTRI saura faire mentir les sceptiques ou s’il finira par leur donner raison.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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