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Gabon : entre optimisme du PNDC et prudence de la Banque mondiale

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Alors que la Banque mondiale table sur une croissance modeste de 2,9% en 2024, confirmant les limites structurelles de l’économie gabonaise, le gouvernement affiche, à travers le Plan national de croissance et de développement (PNCD) 2026-2030, une ambition de croissance à deux chiffres. Ce contraste illustre l’écart entre la prudence analytique des bailleurs et la volonté politique d’incarner la rupture de la Vᵉ République.

En juin 2025, la Banque mondiale rappelait que la richesse par habitant du Gabon a chuté de 34,7% entre 1995 et 2020, malgré un accroissement de 35% de la richesse nationale globale. Cette incapacité à transformer les ressources naturelles en actifs productifs durables témoigne d’un modèle économique encore trop dépendant du pétrole, et peu inclusif.

Des besoins massifs de financement

Le PNCD 2026-2030, estimé à 10 000 milliards de FCFA, prévoit de hisser le Gabon à une croissance annuelle à deux chiffres. Selon Henri-Claude Oyima, ministre de l’Économie, « une croissance de 2 ou 3% ne suffit plus face au taux de croissance de la population, de l’inflation et des besoins sociaux ». Pour atteindre cet objectif, le gouvernement mise sur les partenariats public-privé, les financements verts et le recours aux marchés financiers.

À l’inverse, la Banque mondiale chiffre les besoins annuels de transformation structurelle à 775 milliards de FCFA par an jusqu’en 2030, dont 72% pour les infrastructures, 12% pour l’énergie et 11% pour l’éducation. Mais seuls 14,6% de ces besoins sont couverts à ce jour, laissant un déficit annuel proche de 656 milliards de FCFA.

Prudence contre volontarisme

Là où le PNCD revendique une trajectoire volontariste de rupture, la Banque mondiale insiste sur les risques de surendettement et l’urgence de réformes fiscales. Le Document de cadrage macroéconomique 2026-2028 du gouvernement prévoit une pression fiscale à 11% du PIB, bien en deçà de la norme CEMAC fixée à 17%. Cette faiblesse prive l’État de marges budgétaires, accentuant la dépendance aux emprunts extérieurs.

Aïssatou Diallo, représentante de la Banque mondiale, prévient : « Le Gabon doit naviguer avec prudence dans les complexités d’un environnement commercial mondial imprévisible ». De son côté, le ministre Oyima affirme que « la dette est bonne lorsqu’elle finance des projets générateurs de recettes ». Ces deux approches traduisent un même constat : sans investissements productifs et mieux ciblés, la dette risque de se transformer en fardeau plutôt qu’en levier.


Transformer les ressources naturelles en croissance inclusive


Les deux visions convergent toutefois sur un point : la nécessité de valoriser les atouts forestiers et miniers pour diversifier l’économie. La Banque mondiale rappelle que la valeur des services rendus par les forêts gabonaises a atteint 75,1 milliards de dollars en 2020, essentiellement grâce à la séquestration du carbone. Le PNCD prévoit justement d’accélérer la monétisation de ces actifs écologiques à travers des mécanismes de compensation carbone et des projets verts.


La clé réside donc dans la capacité à transformer ce potentiel en emplois, en industries locales et en infrastructures tangibles. Sans cela, la promesse présidentielle d’une croissance à deux chiffres pourrait rester un horizon symbolique, tandis que les bailleurs continueront d’insister sur une trajectoire plus réaliste de 3 à 4%.

Casimir Mapiya

« Mieux vaut une vérité qui fait mal, qu'un mensonge qui réjouit. » Proverbes berbères

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