Gabon : Délégués spéciaux, entre neutralité administrative et ambition politique, l’heure du choix a sonné !

Il n’y a pas de débat. Il y a un texte de loi, et il y a la République. Il y a la lettre circulaire n°000576 du 30 juin 2025 signée par le ministre Hermann Immongault, et il y a un principe fondamental du droit public : celui de la neutralité de l’administration dans l’organisation des élections. Et pourtant, depuis sa diffusion, certains cherchent à travestir l’objet même de cette lettre, prêtant au ministre une intention politique qu’elle ne contient pas.
Ce que rappelle la lettre circulaire, c’est qu’en vertu de l’article 76, dernier alinéa de la loi organique n° 001/2025 du 91 janvier 2025 portant Code électoral en République Gabonaise, « le Ministre de l’Intérieur ne peut être candidat à une élection politique qu’il organise ». Une disposition claire, sans ambiguïté, qui s’impose non seulement au ministre lui-même, mais par extension à l’ensemble des autorités administratives placées sous sa tutelle. Pourquoi ? Parce que ces autorités sont les bras opérationnels de l’organisation électorale au niveau local : gouverneurs, préfets, sous-préfets et délégués spéciaux sont membres des commissions de révision des listes électorales et des commissions électorales locales.
Le droit enseigne que la loi spéciale déroge à la loi générale (« specialia generalibus derogant »). Ici, la loi électorale, en tant que loi organique complétant et précisant la Constitution, prime sur les dérogations statutaires ou les règles de nomination de circonstance ou encore sur les dispositions de l’article 171 alinéa 3 de la Charte de la transition brandie par des soutiens des Délégués spéciaux. Elle impose une exigence de neutralité, d’impartialité et de clarté.
Ce que le ministre dit, en réalité, est simple : on ne peut être à la fois juge et partie. Celui qui organise un scrutin ne peut y participer en tant que candidat. Celui qui coordonne la révision des listes électorales dans un arrondissement ou un département ne peut être en même temps en campagne pour s’y faire élire. Ce principe ne souffre d’aucune exception. Et dans un État de droit, les principes ne se négocient pas.
La circulaire décline ce principe avec rigueur : les délégués spéciaux qui envisagent d’être candidats doivent se signaler au Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation avant la mise en place des commissions électorales. Mieux, ceux qui sont ouvertement engagés dans un pari politique, même sans être candidat, doivent démissionner de leurs partis politiques pour espérer être impliqués dans les opérations électorales. Il ne s’agit pas d’une interdiction arbitraire. Il s’agit d’un rappel à l’éthique républicaine, à la cohérence institutionnelle, à la consistance des règles du jeu.
Le ministre ne fait donc que réaffirmer l’évidence juridique. Comme le disait Odilon Barrot à propos de la déconcentration : « c’est le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche ». Oui, l’État agit localement, mais avec la même autorité. Et cette autorité exige que ses relais territoriaux se tiennent à distance des intérêts partisans pendant qu’ils exercent leurs missions administratives.
Cet éditorial est un appel à la responsabilité. Aux délégués spéciaux, je dis : choisissez. L’élection est un droit. Mais la neutralité est un devoir. Il ne saurait y avoir d’État juste sans administration impartiale. Et si la Vème République veut se construire sur des bases nouvelles, alors elle devra commencer par réconcilier l’ambition politique avec le respect des règles communes.
La confiance électorale se gagne dans la clarté. Le ministre Hermann Immongault a eu le mérite de le rappeler. Aux acteurs locaux d’en faire preuve.
GMT TV