Gabon : Croissance en berne, la BAD dresse un diagnostic sévère sur l’économie nationale

Dans son rapport 2025, la Banque africaine de développement (BAD) remet en question les prévisions optimistes du gouvernement gabonais. Elle pointe un ralentissement de la croissance, une dépendance persistante au pétrole et une sous-exploitation criante du capital naturel du pays.
Alors que le ministère de l’Économie, sous la houlette d’Henri-Claude Oyima, affiche une confiance réaffirmée dans la trajectoire économique du pays, les analyses externes jettent un froid. À l’instar de la Banque mondiale, la BAD anticipe un tassement de la croissance, avec un produit intérieur brut (PIB) attendu à seulement 2,4 % en 2025 et 2,2 % en 2026. En cause : le recul inexorable de la production pétrolière, victime de la maturation des gisements.
Une croissance hors pétrole insuffisante pour compenser
Si le secteur non pétrolier affiche un certain dynamisme, notamment dans l’agriculture (bois et huile de palme), le BTP et le secteur minier, il ne parvient toujours pas à rééquilibrer l’économie. Ce déséquilibre est d’autant plus critique que la rente pétrolière représentait encore en 2024 près de 46 % des recettes fiscales de l’État.
Le rapport met également en lumière un creusement du déficit budgétaire, alimenté par la baisse des recettes pétrolières et la hausse des dépenses publiques. L’excédent courant, qui s’élevait encore à 5,2 % en 2023, pourrait s’amenuiser à 4,7 % en 2025, puis à 3,2 % en 2026.
Une exploitation des ressources naturelles très en deçà du potentiel
Avec 88 % de couvert forestier et 800 kilomètres de façade maritime, le Gabon dispose pourtant d’un capital naturel exceptionnel. Mais cette richesse reste largement sous-valorisée. Les rentes issues des ressources naturelles représentent 18,5 % du PIB, dont 84 % proviennent encore du pétrole. La transformation locale, la diversification des exportations ou le développement des chaînes de valeur restent embryonnaires.
« Le poids des dépenses de fonctionnement (110,1 % des recettes fiscales en 2024) étouffe les marges budgétaires nécessaires à l’investissement productif », note la BAD, qui appelle à un sursaut stratégique.
Des réformes structurelles pour sortir de l’impasse
Pour redresser la trajectoire économique, la BAD recommande quatre leviers majeurs : Valoriser le capital naturel, en développant les chaînes de valeur forestières, l’écotourisme ou les crédits carbone ; Améliorer l’environnement des affaires, avec des investissements ciblés dans les infrastructures, l’énergie, la logistique, le capital humain et les Zones économiques spéciales (ZES)
; Renforcer la gouvernance économique, en luttant contre la corruption et en accélérant la formalisation des entreprises ; Moderniser le système statistique, pour mieux intégrer les données sur le capital naturel dans les agrégats macroéconomiques.
Un appel à la cohérence politique
Au fond, le rapport sonne comme un appel à la cohérence. L’ambition de transformation structurelle portée par les autorités doit se traduire par des actes forts : désengorger les dépenses de fonctionnement, mieux cibler les investissements publics, mettre fin à la dépendance pétrolière et libérer le potentiel productif local. Faute de quoi, les promesses de rupture risquent de se diluer dans l’inertie institutionnelle.
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