Gabon : corruption perçue, la police pire élève des institutions

Dans sa dépêche n°1037 publiée le 28 août 2025, Afrobarometer livre un constat implacable : parmi toutes les institutions gabonaises sondées, la police nationale arrive en tête des perceptions de corruption. Pour 68% des citoyens, « la plupart » ou « tous » les policiers sont corrompus. Ce score, le plus élevé enregistré, surpasse celui des parlementaires (67%), des agents des impôts (62%) ou encore des juges et magistrats (60%).
Une défiance qui dépasse la police. Ces résultats placent la police au banc des accusés, mais révèlent aussi une crise plus large de confiance institutionnelle. Parlementaires, fonctionnaires, magistrats, élus locaux : aucune catégorie n’échappe à la suspicion. Ce faisceau d’accusations traduit un problème systémique où les organes censés garantir la justice, la transparence et la bonne gouvernance sont eux-mêmes perçus comme captifs de pratiques opaques.
Des causes enracinées dans le système
L’affaire des agents suspendus pour trafic de drogue en 2024, les accusations d’extorsion lors de contrôles routiers ou encore les pratiques de racket quotidien nourrissent une image dégradée de la police. Mais la racine du problème va plus loin : absence de contrôle interne efficace, culture d’impunité, faibles salaires et clientélisme fragilisent l’intégrité de l’institution. Dans un contexte où les citoyens dénoncent aussi la corruption des impôts ou de la justice, la police n’est que le miroir grossissant d’une gouvernance en crise.
Le ministre de l’Intérieur Hermann Immongault a promis une refonte ambitieuse : création d’unités spécialisées, recrutement massif et renforcement des formations. Mais sans un mécanisme indépendant de contrôle, ces annonces risquent de rester cosmétiques.
Pour nombre d’analystes, il faut aller plus loin : Instaurer un organe externe de surveillance des forces de sécurité, associant société civile et magistrature; Rendre publics les audits disciplinaires et sanctionner systématiquement les dérives; Revaloriser les conditions de travail et de rémunération pour limiter les incitations à la corruption.
La dépêche d’Afrobarometer rappelle une évidence : une police perçue comme corrompue mine l’État de droit et la légitimité de toutes les réformes politiques. Tant que l’institution la plus visible au quotidien sera associée au racket et à l’abus de pouvoir, le discours sur la « rupture » restera un slogan. Le vrai défi de la transition gabonaise se joue là : prouver que les institutions peuvent redevenir au service du citoyen, et non au service d’elles-mêmes.
GMT TV