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Gabon : Ali Bongo réussit son «coup de libération»

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Il avait été renversé, conspué, assigné à résidence. Ses proches écroués, ses comptes gelés, son image broyée dans le rouleau compresseur d’un narratif bien huilé. Et pourtant, à la surprise générale, Ali Bongo Ondimba, ancien président du Gabon, a réussi là où on ne l’attendait plus : orchestrer, à sa manière, son propre « coup de libération ».

Car depuis ce matin du 16 mai 2025, où la présidence de la République d’Angola a publié les photos de son arrivée à Luanda en compagnie de son épouse Sylvia et de son fils Noureddin, les Gabonais oscillent entre sidération, colère et ironie amère. « Après le coup de libération du 30 août 2023, voici le coup de libération d’Ali Bongo », résume un internaute.

Une exfiltration sans procès

L’image est saisissante : celui que le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) avait accusé de confiscation du pouvoir, de pillage d’État et d’atteinte aux fondements démocratiques du pays, a quitté Libreville sous bonne escorte, sans procès, sans explication, sans justification. Et surtout : sans communication officielle.

Pour Geoffroy Foumboula Libeka, député de la Transition, ce départ nocturne est une « honte pour les premiers jours de la Vème République » et une « rupture de confiance » entre le peuple et ses dirigeants. « Nous méritons des explications », a-t-il martelé, évoquant une « instrumentalisation de la justice ».

L’art du silence présidentiel

Le gouvernement reste muet. Ni communiqué, ni allocution. Laurence Ndong « porte-parole du Conseil des ministres », elle aussi, observe un silence absolu, laissant la présidence angolaise dévoiler ce que la République gabonaise n’a pas osé assumer.

Ce mutisme alimente les soupçons de deal diplomatique : la libération de la famille Bongo comme contrepartie tacite du retour du Gabon dans le giron de l’Union africaine. Un scénario que beaucoup de Gabonais refusent d’accepter, tant il donne à penser que la justice nationale peut être tordue au gré des équilibres géopolitiques.

Une République désarmante

Sur les réseaux sociaux, les réactions se multiplient : « Et les milliards détournés ? Et les morts de 2016 ? », s’interrogent les internautes. Pour beaucoup, ce départ sonne comme une gifle : « Les vrais prisonniers sont ceux qui croyaient à la justice. »

Le plus déroutant dans cette affaire ? Ce n’est pas tant que l’ancien président ait quitté le pays. C’est qu’il l’ait fait sous silence complice, sans opposition, avec les honneurs d’un État étranger, pendant que les siens, au Gabon, n’ont eu droit qu’à l’obscurité et à l’oubli.

Si l’histoire avait une morale, elle dirait peut-être ceci : on peut tomber d’un piédestal, mais avec assez de réseaux, de secrets bien gardés et de silences bien placés, on peut toujours remonter à bord d’un avion. Ali Bongo n’a peut-être pas réussi sa fin de règne. Mais son exfiltration, elle, restera dans les annales comme un coup de maître.

Morel Mondjo Mouega

Titulaire d'une Licence en droit, l'écriture et la lecture sont une passion que je mets au quotidien au profit des rédactions de Gabon Media Time depuis son lancement le 4 juillet 2016 et de GMTme depuis septembre 2019. Rédacteur en chef

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