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Gabon : À quand l’institutionnalisation du juge de la détention ?

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Au Gabon, la justice semble souvent légitimer des détentions préventives abusives, marquées par une inertie administrative et l’omnipotence des juges d’instruction. Face à cette situation, l’instauration d’un juge des libertés et de la détention (JLD) apparaît comme une nécessité pour garantir un contrôle effectif sur les atteintes à la liberté individuelle.

Il n’est pas rare de voir des individus jugés après des années de détention provisoire, parfois 8 ou 9 ans. Lors de la première session criminelle de 2025, six détenus, incarcérés depuis 7 ans à la prison de Gros-Bouquet à Libreville, ont été acquittés, révélant l’ampleur de ces pratiques « arbitraires » et « illégales ». Cette situation résulte souvent d’un suivi négligent par les juges d’instruction, qui ordonnent des mandats de dépôt sans suivi rigoureux de la détention.

Une détention préventive dévoyée

La détention préventive, mesure exceptionnelle, ne devrait être prononcée que pour préserver des preuves, empêcher des pressions sur les témoins, garantir l’ordre public ou assurer la comparution de l’inculpé. Selon le Code de procédure pénale gabonais en ses articles 133 et suivants, sa durée est limitée à 6 mois en matière correctionnelle et 1 an en matière criminelle, avec une prolongation maximale de 6 mois. Pourtant, ces délais sont fréquemment dépassés, sans que cela ne suscite de réelle réaction. 

Membre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU depuis janvier 2021, le Gabon se doit de combattre ces détentions abusives. L’instauration d’un juge des libertés et de la détention, magistrat expérimenté chargé de superviser les décisions de détention provisoire, permettrait de contrebalancer le pouvoir des juges d’instruction. Ce juge aurait le pouvoir exclusif d’ordonner ou de prolonger une détention par une décision motivée, prise après un débat contradictoire public. Il pourrait également statuer sur les demandes de mise en liberté ou contester un contrôle judiciaire en cas de non-respect des obligations. 

Il va sans dire que l’instauration du JLD représente une avancée cruciale pour aligner la pratique judiciaire gabonaise sur les standards d’un État de droit. Elle garantirait un meilleur respect des libertés individuelles et mettrait fin à l’arbitraire qui caractérise trop souvent les détentions préventives dans le pays. Les autorités publiques, au nombre desquelles, le nouveau ministre de la justice Séraphin Akure-Davain, sont désormais appelées à agir pour réformer un système judiciaire en décalage avec ses propres lois.

Lyonnel Mbeng Essone

Rédacteur en chef adjoint, je suis diplômé en droit privé. J'ai longtemps fourbi mes armes dans les cabinets juridiques avant de me lancer dans le web journalisme. Bien que polyvalent, je me suis spécialisé sur les questions sociétés, justice, faits-divers et bien sûr actualités sportives.

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