Gabon : 15 ans sans radio ni télévision publique à Mbigou, le scandale du mépris d’État

Alors que l’État clame haut et fort son ambition de « restaurer la dignité » des Gabonais, certaines localités vivent dans une déconnexion totale, comme reléguées en dehors de la République. À Mbigou, chef-lieu du département de la Boumi-Louetsi, dans la province de la Ngounié, près de 10 000 âmes n’ont plus accès ni à la radio nationale, ni à la télévision publique depuis plus de quinze ans. Une situation alarmante qui révèle une fracture territoriale criante et un mépris manifeste des autorités.
À l’origine de cette situation, la privatisation de l’Office des postes et télécommunications (OPT), qui a laissé derrière elle un vide technologique et institutionnel que ni l’Agence nationale des infrastructures numériques et des fréquences (ANINF), ni le ministère de la Communication n’ont jugé utile de combler. Conséquence directe : aucune fréquence de Radio Gabon, Gabon Télévisions ou encore Gabon 24 n’est captée à Mbigou. « Depuis la création de Gabon 1ère, nous n’avons jamais pu voir un seul journal télévisé ici », confie un habitant, amer et désabusé, sous couvert d’anonymat.
Déconnexion totale, fracture républicaine
Dans un pays où le pouvoir en place promet une République équitable, inclusive et unifiée, comment expliquer qu’en 2025, un département entier soit encore privé de l’information publique ? Comment tolérer que les habitants de Mbigou soient coupés du débat national, des décisions publiques, des actualités présidentielles et électorales ?
« Parfois, on voit quelques images sur Canal+ chez les Maliens du coin, mais à part ça, nous ne savons rien de ce qui se passe au Gabon », déplore notre interlocuteur. Cette exclusion informationnelle, loin d’être anodine, constitue une atteinte directe au droit fondamental à l’information. Elle renforce l’isolement, affaiblit la citoyenneté et mine la démocratie locale.
Deux poids, deux mesures : pourquoi investir à Libreville et ignorer la Boumi-Louetsi ?
Ironie du sort, pendant que les autorités multiplient les appels d’offres pour moderniser Africa N°1, média historique dont le rayonnement est aujourd’hui marginal, rien n’est entrepris pour restaurer les relais radio et télé de Mbigou. Pourquoi ce silence prolongé ? Pourquoi cette indifférence assumée ? Que vaut donc la parole de l’État lorsqu’elle oublie les territoires périphériques ?
Dans un pays où l’égalité des chances et l’accès à l’information sont inscrits dans la Constitution, la situation de Mbigou est un scandale d’État. À l’heure du numérique, du satellite et de l’interconnexion, maintenir une ville entière dans l’ombre est non seulement une faute technique, mais aussi une violence politique.
Les autorités compétentes doivent répondre. Et vite. Car en matière de démocratie, la désinformation passive est aussi dangereuse que la censure active.
GMT TV