Création d’un parti présidentiel : Oligui Nguema peut le faire… mais au prix de son mandat

Alors que l’idée d’un parti politique structuré autour du président Brice Clotaire Oligui Nguema prend forme dans les cercles du pouvoir, une clarification juridique s’impose. Oui, le président peut créer ou rejoindre un parti. Mais selon l’article 82 du Code électoral, cet acte serait synonyme de perte automatique de son mandat. Une règle générale, impersonnelle et coercitive qui s’applique à tous, y compris au chef de l’État.
Un rappel juridique qui fait débat. C’est Jean Valentin Leyama, député de la transition et législateur aguerri, qui a sonné l’alerte. Dans une sortie remarquée, l’ancien secrétaire exécutif du parti REAGIR a brandi l’article 82, alinéa 3, de la loi organique n°001/2025 du 19 janvier 2025 portant Code électoral : « Tout élu en qualité d’indépendant (…) ne peut, pendant la durée du mandat, adhérer à un parti politique légalement reconnu sous peine d’annulation de son élection. »
Un rappel qui fait écho au contexte de l’élection présidentielle du 12 avril 2025, à l’issue de laquelle Brice Clotaire Oligui Nguema a été proclamé président de la République avec plus de 94 % des suffrages en tant que candidat indépendant. Ainsi, s’il décidait de fonder un parti durant son mandat, cela contreviendrait formellement à cette disposition électorale, avec pour conséquence juridique l’annulation de son élection.
Une loi claire, une application sans exception
Certains partisans du pouvoir avancent que cette disposition ne concernerait que les autres élus à l’exception du président de la République. Or, deux arguments viennent balayer cette interprétation restrictive. Premièrement, l’article 82 figure parmi les dispositions communes à toutes les élections, ce qui inclut donc la présidentielle, les législatives et les locales. Le président de la République n’est pas exempté.
Cette règle n’est pas nouvelle. Elle figurait déjà dans l’article 68 de la loi n°7/96 du 12 mars 1996, et sa mise en œuvre a généré une jurisprudence abondante à la Cour constitutionnelle. Des députés et élus locaux ont vu leurs mandats annulés pour avoir enfreint cette disposition. Le droit est donc établi, constant et appliqué.
Un dilemme républicain : respect du droit ou calcul politique ?
Face à cette situation, deux voies s’ouvrent au président. La première, risquée, serait de modifier la loi pour se conformer à une stratégie politique personnelle. Ce qui reviendrait à instrumentaliser la norme juridique à des fins de convenance – une tentation dangereuse dans une démocratie en construction.
La seconde, plus républicaine, serait de respecter l’état actuel du droit, de se concentrer sur la gouvernance, et de laisser se dérouler les élections législatives dans leur cadre prévu. Rien n’interdirait alors aux futurs députés de proposer une modification de cette disposition… sans que celle-ci ne profite au président en exercice. Ce serait un pacte démocratique clair, qui dissocie le droit des ambitions individuelles.
La République ne peut se faire à coups de lois taillées sur mesure
En Belgique, en 1990, lorsque le roi Baudouin refusa de signer la loi sur l’avortement, le gouvernement déclara son impossibilité de régner, pour préserver l’équilibre institutionnel. Cette anecdote rappelle que dans un État de droit, l’intérêt supérieur des institutions commande parfois de contourner les passions pour préserver la règle.
À Libreville, cette responsabilité incombe aux « tonton-macoutes » institutionnels – les gardiens silencieux de la norme, les sages qui murmurent à l’oreille du pouvoir – de rappeler que la solidité d’un régime se mesure à sa capacité à s’autolimiter.
Respecter la loi, surtout lorsqu’elle contraint le sommet de l’État, est l’acte fondateur de toute République authentique. Modifier celle-ci pour convenance personnelle serait un précédent funeste. Oligui Nguema peut créer un parti. Mais à condition de respecter une règle qu’il a lui-même héritée et sur laquelle repose, aujourd’hui encore, sa légitimité.
Ainsi, toute infraction à cette règle, même sous couvert d’opportunisme politique ou de nécessité électorale future, « serait un coup porté à l’État de droit que le président Oligui Nguema lui-même appelle à renforcer », commente un juriste sous anonymat. Ce dilemme, éminemment politique, engage désormais l’ensemble des institutions, mais surtout la conscience juridique de ceux qui gouvernent. « Dura lex, sed lex », entendez : La loi est dure, mais c’est la loi. Et dans une République digne de ce nom, nul – fût-il Président – n’est au-dessus d’elle.
GMT TV