Gabon : détentions abusives, innocents ruinés… et l’État se tait !

Alors que les sessions criminelles s’enchaînent, le scandale des détentions préventives abusives éclate une fois de plus au grand jour. Acquittés après 5, 8, parfois 10 ans de prison sans jugement, des Gabonais sortent ruinés, brisés, abandonnés… pendant que le ministère de la Justice et le Conseil supérieur de la magistrature détournent le regard.
Loi claire, pratiques honteuses. Le Code de procédure pénale est pourtant sans ambiguïté. L’article 146 stipule que toute personne détenue à tort a droit à indemnisation si elle est blanchie par un non-lieu, une relaxe ou un acquittement définitif. L’État a l’obligation de réparer le préjudice matériel et moral.
Et pourtant, dans les faits, ce droit n’existe que sur le papier. Aucune cellule d’information. Aucun accompagnement. Aucun geste spontané. Les victimes, déjà broyées par des années derrière les barreaux, ignorent qu’elles peuvent demander réparation.
Un système verrouillé pour étouffer les réparations
Six mois. C’est le délai fatal prévu par l’article 147 pour déposer une demande. Dépassé, le droit s’évapore. Les audiences se tiennent à huis clos, la décision finale n’est pas motivée et n’est pas susceptible de recours. Comment appeler ça autrement qu’un verrou administratif pour limiter les indemnisations ?
Pendant ce temps, à Libreville, Port-Gentil ou Franceville, des hommes blanchis après une décennie de détention préventive survivent dans la misère, sans soins, sans emploi, sans soutien.
Des excuses ? Jamais. De l’argent ? Encore moins.
L’article 148 prévoit pourtant que la procédure est gratuite et que l’État peut poursuivre les auteurs de fausses dénonciations. Mais combien de fois cela a-t-il été appliqué ? Zéro transparence. Zéro suivi. Zéro volonté politique.
Le ministre de la Justice, Dr Séraphin Akuré-Davain, peut-il dire aux Gabonais combien d’innocents ont été indemnisés ces cinq dernières années ? Peut-il publier la liste ? Peut-il expliquer pourquoi aucun mécanisme public n’existe pour informer les acquittés ?
Le Conseil supérieur de la magistrature complice du silence
En fermant les yeux sur ces abus, le Conseil supérieur de la magistrature cautionne un système qui transforme des innocents en mendiants. Une justice qui ne répare pas ses fautes est une justice qui se discrédite. Et ce discrédit rejaillit sur toute la Ve République, pourtant fondée sur la promesse d’un État de droit.
Dans un pays qui se veut crédible à l’international, corriger ses erreurs judiciaires n’est pas un luxe : c’est un devoir. Il est temps d’inverser la logique. Les réparations doivent être automatiques, rapides, transparentes.
Sans ça, les grands discours sur la justice équitable ne resteront que des slogans creux, pendant que des Gabonais continueront à payer de leur vie et de leur dignité les fautes d’un système qui refuse de se remettre en question.
GMT TV