Concours d’entrée à l’ENM : l’occasion de rompre avec la fraude et les passe-droits

Alors que le concours de l’École nationale de la magistrature enregistre une affluence record, l’heure est venue pour le gouvernement de démontrer sa volonté réelle de transparence et d’équité dans l’accès aux carrières judiciaires, en rompant définitivement avec les pratiques opaques du passé.
Ils étaient près de 9 000 candidats, ce 22 juillet 2025, à se presser aux guichets de l’École nationale de la magistrature (ENM) pour déposer leur dossier. Une ruée qui dépasse de loin les 6 500 inscriptions de 2020, avant la suspension du concours. Cette mobilisation, saluée par les ministres Séraphin Akure-Davain (Justice) et François Ndong Obiang (Réforme des institutions), témoigne d’un engouement fort pour les carrières judiciaires. Mais elle soulève surtout un impératif : garantir un concours transparent, ouvert, méritocratique, à rebours des travers qui ont longtemps discrédité les recrutements publics au Gabon.
Une jeunesse avide d’équité, pas de clientélisme
Dans un pays où l’inégalité des chances a souvent verrouillé l’accès aux concours au profit des réseaux et des appartenances, l’afflux massif de candidats à l’ENM sonne comme un appel : celui d’une jeunesse gabonaise déterminée à réussir par le mérite, et non par piston. Cette jeunesse, souvent issue de milieux modestes, n’attend pas des faveurs mais des garanties : celles d’un concours régi par la compétence, l’anonymat des copies et la neutralité des jurys.
Le gouvernement a, pour sa part, martelé sa volonté de faire de ce concours un modèle de régularité. Commissions tripartites, paiement sécurisé, contrôle rigoureux des dossiers : autant de signaux encourageants. Mais l’histoire gabonaise nous enseigne la prudence. Combien de concours, hier encore, furent entachés de fraudes, de favoritismes, d’interventions politiques ou parentales ?
L’ENM, un test pour la crédibilité de la Transition
Ce concours exceptionnel, visant à recruter 200 magistrats et 100 greffiers, ne doit pas seulement renforcer les ressources humaines de la justice. Il doit être la preuve tangible que l’ère des passe-droits touche à sa fin. Dans un pays en quête de restauration institutionnelle, l’exemplarité doit commencer par les concours d’accès aux fonctions régaliennes. Il en va de la légitimité de l’État, mais aussi de l’espoir des enfants de prolétaires de devenir magistrats sans avoir de nom, de bras long ou de carte d’adhésion.
« Le mérite ne doit plus être une option, mais la norme », entend-on chez plusieurs candidats. Et c’est bien là le cœur du défi. Si les ministres veulent vraiment faire œuvre de rupture, ils doivent aller au-delà des inspections de stands. Ils doivent veiller, à chaque étape du processus, à ce que seuls les meilleurs soient admis, sur la base des résultats et non des relations.
Recruter pour servir la justice, pas pour la dévoyer
À l’heure où la justice gabonaise peine encore à convaincre de son impartialité, où les greffiers comme les magistrats réclament formation, encadrement et moyens, le recrutement à venir ne peut se permettre le moindre soupçon. Ce ne sont pas seulement des postes qui sont en jeu, mais la confiance d’une génération. Une génération qui, de plus en plus, exige que l’État cesse d’être une machine à recycler les privilégiés, pour devenir enfin un tremplin pour les talents de toutes les classes sociales.
Le concours de l’ENM version 2025 peut marquer un tournant. À condition qu’il soit propre, lisible et auditable. C’est une responsabilité historique pour le gouvernement, mais aussi une chance de réconcilier les Gabonais avec l’idée de justice. Une vraie.
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