Climat : le Gabon capte plus qu’il n’émet, mais ne gagne presque rien de ses forêts

Selon la Banque mondiale, les forêts du Gabon ont fourni entre 2000 et 2020 des services écologiques d’une valeur estimée à 75,1 milliards de dollars, soit environ 45 000 milliards de FCFA. Une richesse naturelle colossale, pourtant peu monétisée, qui soulève la question cruciale de la juste rémunération du pays pour sa contribution à la lutte contre le dérèglement climatique mondial.
C’est un paradoxe que souligne avec force la dernière note de conjoncture économique de la Banque mondiale, publiée le 26 juin 2025 : le Gabon, pourtant l’un des rares pays au monde à absorber plus de CO₂ qu’il n’en émet, ne bénéficie que très peu des retombées financières de ses performances environnementales. Grâce à ses 22 millions d’hectares de forêts, le pays absorbe chaque année environ 100 millions de tonnes nettes de CO₂, soit près de trois fois ses propres émissions, selon Ecofin.
Un puits de carbone sous-exploité sur le plan économique
Sur la période 2000-2020, ce sont plus de 30 milliards de tonnes de CO₂ qui ont été séquestrées, représentant à elles seules 99 % de la valeur écologique totale estimée des forêts gabonaises. Mais cette contribution massive à la régulation climatique mondiale ne se traduit que marginalement dans les recettes publiques.
Une valeur climatique ignorée par les mécanismes financiers mondiaux
Dans le détail, la Banque mondiale estime que la majorité des services écosystémiques fournis par les forêts du Gabon « ne font l’objet d’aucune contrepartie financière ». Une situation qui reflète les failles des mécanismes actuels de compensation carbone et l’absence de structures robustes de valorisation sur les marchés internationaux.
« Le Gabon devrait explorer les opportunités de monétisation de ses services écosystémiques, notamment via les marchés du carbone et les paiements pour services environnementaux », recommande l’institution. Cette stratégie pourrait permettre au pays de mobiliser des ressources nouvelles pour financer sa transition économique et renforcer la résilience de ses écosystèmes.
Un leadership climatique encore trop peu reconnu
Alors que le Gabon s’est affirmé ces dernières années comme un leader africain en matière de politique environnementale – notamment à travers la création de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) et la gestion durable de ses forêts – son statut de « puits de carbone net » reste encore sous-valorisé dans les négociations internationales.
Pour nombre d’observateurs, il devient urgent que les efforts de conservation du Gabon soient intégrés dans une logique de solidarité climatique internationale, avec des flux financiers à la hauteur des services rendus. Car préserver les forêts primaires d’Afrique centrale, c’est garantir un climat mondial plus stable pour l’ensemble de la planète.
Une équation stratégique pour le futur modèle économique du Gabon
Dans un contexte de diversification économique post-pétrole, les actifs naturels du Gabon, notamment ses forêts, pourraient jouer un rôle de levier stratégique. Encore faut-il que le pays mette en place un cadre juridique, institutionnel et financier à même de capter une part significative des marchés du carbone.
Le défi n’est pas seulement technique, il est aussi politique : faire reconnaître la valeur réelle de la nature gabonaise, non comme une contrainte environnementale, mais comme une opportunité économique et géopolitique de premier plan.
GMT TV