A La UneDerniers articlesSOCIETE

Boumi-Louetsi : colère à Mbigou, chef-lieu du département oublié de l’État

Ecouter l'article

Longtemps centre administratif et pôle économique majeur du département de la Boumi-Louetsi, Mbigou, chef-lieu historique, se retrouve aujourd’hui relégué au second plan. Alors que la localité manque cruellement de logements pour ses fonctionnaires, c’est dans la bourgade voisine de Makongonio, dépourvue de statut administratif, que l’État choisit de construire de nouvelles habitations. Une décision qui suscite incompréhension et colère au sein des populations.

Mbigou, mémoire coloniale et capitale départementale. L’histoire du département de la Boumi-Louetsi ne peut s’écrire sans rappeler le rôle central de Mbigou. Sous la colonisation, la Ngounié comptait trois pôles majeurs fréquentés par les colons : Sindara, Bilingui et Mbigou. Sindara était le pôle industriel avec son usine de sucre, Bilingui servait de relais administratif, tandis que Mbigou s’imposait comme le premier poste de contrôle administratif (PCA), notamment grâce à l’exploitation du café.

Entrée de la ville de Mbigou © GMT

Ce poids historique a naturellement consacré Mbigou comme chef-lieu du département, abritant les symboles de l’autorité de l’État. Même Lebamba, aujourd’hui cité en plein essor, n’a obtenu son premier préfet qu’en 1973. L’héritage de Mbigou est donc celui d’un centre stratégique, tant pour l’administration que pour l’économie locale.

Une marginalisation incompréhensible

C’est précisément ce rôle historique et institutionnel qui rend la situation actuelle d’autant plus incompréhensible. Alors que Mbigou souffre d’un déficit criant de logements pour ses fonctionnaires – enseignants, agents de santé, cadres administratifs – les investissements publics semblent délibérément se détourner de la capitale départementale.

« Comment expliquer qu’à Mbigou, où l’État est présent à travers ses services et où les besoins sont patents, on continue de laisser les fonctionnaires vivre dans des conditions précaires, pendant qu’on érige des logements flambants neufs à Makongonio, une simple bourgade sans statut administratif ? » s’interroge un notable local, amer face à ce qu’il considère comme une injustice flagrante.

Un déséquilibre qui alimente la colère

La décision de construire à Makongonio apparaît pour beaucoup comme un affront. Les populations y voient le signe d’une gestion déséquilibrée et d’un manque de considération pour leur localité. « Makongonio évolue à une vitesse fulgurante, sans être chef-lieu de district, pendant que Mbigou, chef-lieu du département, est délaissé », fustige un jeune leader de la localité.

Vue aérienne de la ville de Mbigou © GMT

Cette situation cristallise un sentiment d’abandon qui, au-delà de Mbigou, interroge sur la logique de répartition des infrastructures publiques dans le pays. Pourquoi sacrifier un centre administratif stratégique au profit d’une localité périphérique ? Qui tire les ficelles derrière ce déséquilibre ?

Redonner à Mbigou sa place

Plus qu’une simple question de logements, l’affaire révèle une fracture symbolique : l’oubli d’un chef-lieu historique au profit d’intérêts mal définis. Dans un département où les souvenirs coloniaux rappellent l’importance de Mbigou dans l’organisation territoriale, ignorer ce passé pour investir ailleurs apparaît comme une trahison de l’histoire et des populations.

Les habitants de Mbigou demandent à l’État de rectifier le tir, en redonnant à leur ville la place qui lui revient. Car une administration privée de logements adaptés, c’est une administration affaiblie, et un chef-lieu abandonné, c’est tout un département qui vacille.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

GMT TV

Bouton retour en haut de la page