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Analyse communicationelle du discours du Président Brice Clotaire Oligui Nguema à la tribune de l’ONU : clarté stratégique, grammaire multilatérale et performativité politique

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À l’heure où les tribunes onusiennes servent autant de boussole normative que de scène diplomatique, le discours prononcé par le Président Brice Clotaire Oligui Nguema le 25 septembre 2025 s’impose comme un cas d’école en communication publique internationale. Sa force tient moins à l’emphase qu’à l’architecture: une articulation disciplinée d’ethos, de logos et de pathos qui combine pédagogie des enjeux, visibilité du Gabon et proposition de coopération. Cette tribune propose une lecture scientifique – outillée par les sciences de l’information et de la communication – de la structure, du cadrage et de la performativité de cette intervention, afin d’en dégager les apports pour la diplomatie gabonaise et, plus largement, pour les formats contemporains de médiation étatique.

Contexte: cadrage onusien et double audience

La tribune des Nations Unies impose un double impératif: parler au monde sans cesser de parler au pays. L’allocution du Président Oligui s’inscrit précisément dans cette tension productive. D’une part, elle mobilise les codes onusiens – sobriété du ton, lexique multilatéral, référence aux agendas
collectifs (ODD, Accord de Paris, réforme de l’architecture financière internationale) – qui assurent l’intelligibilité et l’acceptabilité du propos auprès des États membres. D’autre part, elle adresse clairement l’audience interne: réforme de la gouvernance, lutte contre la corruption, stabilisation
institutionnelle, diversification économique, investissements orientés vers l’économie réelle et les services publics. Le résultat est une scène discursive biface où la légitimation internationale renforce la légitimité domestique, et inversement.


Enjeux: ethos, logos, pathos et diplomatie des co-bénéfices Ethos (crédibilité et responsabilité)

Brice Clotaire Oligui Nguema, l’orateur, installe une posture de chef d’État responsable, ancrée dans la continuité des réformes. L’ethos ne repose pas sur l’exceptionnalisme mais sur la
conformité à des standards de bonne gouvernance: probité, transparence,
efficacité institutionnelle. Ce cadrage dépolitise les controverses pour
valoriser la méthode et la redevabilité.

Logos (architecture du raisonnement)

La narration de Brice Clotaire Oligui Nguema suit une progression éprouvée – diagnostic, feuille de route, appels à partenariats – et hiérarchise les priorités: gouvernance publique, diversification et industrialisation, sécurité régionale, climat et forêts du Bassin du Congo. La lisibilité du plan, la parcimonie des indicateurs et l’alignement sur des mécanismes concrets (financements concessionnels, transfert de technologies, sécurité maritime, lutte contre les trafics) confèrent au propos une forte cohérence argumentative.

Pathos (mobilisation maîtrisée)

L’appel aux affects demeure mesuré: valorisation de la jeunesse, équité climatique, promesse de services publics améliorés. L’émotion n’est pas instrumentalisée; elle sert de liant entre priorités techniques et horizon de sens, évitant la surdramatisation tout en légitimant l’urgence de l’action.

Diplomatie des co-bénéfices

La stratégie d’énonciation de son discours repose sur un principe de symétrie: chaque engagement domestique trouve son écho dans un bien public global (forêts/finance climat ; stabilité
régionale/sécurité internationale; transition énergétique/chaînes d’approvisionnement). Le message devient transactionnel au sens noble: le Gabon s’engage, à condition que les architectures multilatérales s’ajustent pour rendre ces engagements soutenables.

Performativité communicationnelle : mise en scène, intertextualité et crédibilité d’exécution

La performance tient à l’ajustement entre le dire et le faire annoncé. Trois éléments sont saillants :

● Mise en scène sobre et codes de la solennité. Le dispositif scénique évite la personnification excessive, au profit d’une institutionnalisation du message. Cela renforce la transférabilité médiatique du discours (extraits, citations-clefs) et sa durée de vie au-delà de l’événement.

● Intertextualité multilatérale. En s’indexant aux référentiels partagés (ODD, Paris, sécurité collective), le discours devient « lisible » par les communautés diplomatiques et expertes, facilitant la circulation dans
les arènes onusiennes et financières.

● Crédibilité d’exécution. L’énonciation ne s’arrête pas aux intentions; elle signale des mécanismes de mise en œuvre (gouvernance des réformes, calendriers, partenariats ciblés). Cette granularité, rare dans
les tribunes, convertit la parole politique en promesse vérifiable, donc en actif réputationnel.

Implications pour la médiation étatique et l’image du Gabon


Cette intervention du Président Gabonais à l’ONU réaffirme un principe clé des politiques de communication publique: la légitimité se construit par la cohérence, non par la surenchère.
À court terme, elle crédibilise le Gabon comme interlocuteur fiable sur trois dossiers structurants: finance, climat et valorisation des forêts du Bassin du Congo; stabilité régionale et sécurité maritime; diversification économique adossée à l’amélioration de la gouvernance. À moyen terme,
elle propose un récit d’État qui s’extrait des conjonctures pour s’adosser à des régularités (réformes, transparence, partenariats), ce qui est crucial pour la prévisibilité attendue par les investisseurs, bailleurs et partenaires publics.

Au prisme des sciences de l’information et de la communication, le discours du Président Brice Clotaire Oligui Nguema à la tribune de l’ONU se distingue par sa clarté stratégique, la justesse de son cadrage multilatéral et sa performativité politique. Il illustre une communication d’État qui assume la double adresse interne/externe, structure ses promesses par des mécanismes concrets et inscrit l’action nationale dans des biens publics globaux.

En saluant la précision, la mesure et l’ambition de cette intervention, il convient de reconnaître la qualité d’un moment rare: un propos brillant, au service d’un cap lisible, qui rehausse la place du Gabon dans le concert des nations.

Par Freddy Koula Moussavou, Doctorant en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Grenoble Alpes (GRESEC), ancien Journaliste chez Canal+, RFI, TV5 Monde et Gabon 24.

Lyonnel Mbeng Essone

Rédacteur en chef adjoint, je suis diplômé en droit privé. J'ai longtemps fourbi mes armes dans les cabinets juridiques avant de me lancer dans le web journalisme. Bien que polyvalent, je me suis spécialisé sur les questions sociétés, justice, faits-divers et bien sûr actualités sportives.

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