
Trois proches du ministre de la Réforme des institutions, François Ndong Obiang, ont été inculpés pour « menaces et voies de fait » à la suite de leur intrusion dans les locaux du siège du parti Réagir, situés aux Bas de Gué-Gué à Libreville. Tandis que la procédure judiciaire suit son cours contre ces militants, tous laissés en liberté provisoire, l’attitude de la justice vis-à-vis du ministre lui-même, également mis en cause dans cette affaire, suscite une profonde controverse.
Une affaire de droit commun au parfum politique. Tout est parti d’une plainte déposée par l’entrepreneur Félix Bongo, par ailleurs vice-président du parti Réagir. Selon les faits rapportés, celui-ci aurait repris à son nom le bail des locaux du siège du parti, en épurant les arriérés de loyer, après que la propriétaire a résilié le contrat initial pour impayés. Il en aurait ensuite concédé l’usage à Réagir, jusqu’à l’intervention musclée de partisans du ministre François Ndong Obiang.
Le 27 octobre 2024, plusieurs membres de l’aile dirigée par le ministre, alors contesté en interne, auraient tenté de forcer l’accès au siège. Leur première tentative échoue, mais quelques semaines plus tard, ils parviennent à s’y introduire, changent les serrures, et s’installent. La scène, filmée, est rapidement relayée sur les réseaux sociaux.
À la suite de cette occupation, une enquête est ouverte. Le parquet de Libreville retient les charges de « menaces et voies de fait » contre trois membres du groupe : Bruno Ondo Mintsa, Fabrice Ekomo Ossazeh et Denard Ovono alias Wayne. Tous trois sont renvoyés devant le tribunal correctionnel pour une audience prévue ce mardi 1er juillet 2025.
L’immunité du ministre en question
Si la justice a su faire preuve de diligence envers les collaborateurs du ministre, l’absence de poursuite directe contre François Ndong Obiang interroge. Une plainte pour faux, usage de faux et falsification de cachets aurait pourtant été déposée à son encontre. Toutefois, protégé par son statut ministériel, il continue de siéger au gouvernement sans qu’aucune mesure ne semble envisagée à son encontre.
« C’est une simple question de principe. Je paie un loyer pour ces locaux, et je n’entends pas être spolié », a déclaré à notre rédaction Félix Bongo, qui refuse de céder à ce qu’il considère comme une prise de force illégale. « La justice doit faire son travail, quel que soit le statut des personnes concernées », a-t-il insisté.
Deux poids, deux mesures ?
Le 21 juin dernier, en pleine procédure judiciaire, François Ndong Obiang a organisé un meeting politique sur le site litigieux, installant un comité communal et saluant ses partisans. Un acte qui jette une ombre sur l’indépendance du pouvoir judiciaire et soulève la question de la compatibilité entre l’exercice d’une fonction ministérielle et la présidence active d’un parti engagé dans une bataille juridique.
Alors que les autorités gabonaises multiplient les opérations de déguerpissement dans les quartiers populaires sous prétexte de légalité foncière, la tolérance apparente vis-à-vis de l’occupation illégale de biens privés par des proches du pouvoir choque une partie de l’opinion publique. Dans une République qui se veut rénovée, cette affaire jette une lumière crue sur les paradoxes de l’État de droit à géométrie variable.
GMT TV