Affaire Opiangah : un test décisif pour le ministre Akure Davain face au serment du président Oligui Nguema

Alors que le Gabon entre dans une nouvelle ère institutionnelle avec l’avènement de la Vème République, le ministère de la Justice est sous pression. Aux commandes de ce département sensible, Séraphin Akure Davain hérite d’un chantier aussi symbolique que politique : restaurer la crédibilité d’une justice abîmée par les affaires non élucidées, les procédures opaques et les instructions politisées. Parmi les dossiers brûlants sur son bureau, celui d’Hervé Patrick Opiangah fait figure de révélateur.
L’ancien ministre des Mines, homme d’affaires et président de l’Union pour la démocratie et l’intégration sociale (UDIS), est aujourd’hui en exil. Il est poursuivi pour des faits d’inceste sur l’une de ses filles, des accusations que cette dernière dément formellement. Ses avocats, Marc et Julien Bensimhon, ont saisi la Commission africaine des droits de l’Homme, dénonçant « une procédure viciée », une « absence de plainte initiale », et des actes judiciaires « déclenchés en dehors de tout cadre légal ». Le cœur du scandale ? Une plainte qui aurait été enregistrée le 25 novembre 2024 alors que le procureur de la République affirmait, dans une communication officielle, qu’elle datait du 14 novembre. Depuis, le silence du parquet, les réponses évasives du ministère et l’immobilisme de la chambre d’accusation alimentent un soupçon de forfaiture.
Le serment présidentiel face à l’épreuve des faits
Le 3 mai dernier, devant la nation, le président Brice Clotaire Oligui Nguema a prêté serment : « respecter et défendre fidèlement la Constitution et l’État de droit (…) être juste envers tous ». Cet engagement solennel, enraciné dans l’histoire du pays et la mémoire de ses Ancêtres, impose à l’appareil judiciaire une obligation de vérité, de transparence et d’équité. Dans cette perspective, l’affaire Opiangah devient bien plus qu’un contentieux pénal. Elle interroge la volonté réelle du nouveau pouvoir de rompre avec les pratiques de l’ancienne République.
Car si le dossier est aujourd’hui pendant devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Libreville, sa lenteur, ses contradictions, et les violations de procédure déjà établies jettent une ombre sur l’indépendance des juges. Et c’est précisément là qu’intervient la responsabilité du nouveau Garde des Sceaux Séraphin Akure Davain : garantir que l’État de droit ne soit pas qu’un slogan, mais une réalité tangible. Que la justice gabonaise ne soit plus un outil de règlement de comptes, mais une institution au service de tous.
Une exigence de rupture, une obligation de cohérence
Dans un contexte où le Gabon cherche à restaurer sa réputation internationale et sa confiance interne, le maintien d’une procédure bancale, aux fondements légaux incertains, devient politiquement intenable. Surtout quand 6 500 emplois sont menacés par l’arrêt des activités des entreprises d’Hervé Patrick Opiangah, bloquées sur la base de cette affaire. Comme le déclarait Me Julien Bensimhon : « Ce n’est pas parce que M. Opiangah est accusé qu’on doit mettre 6 500 Gabonais au chômage ».
Séraphin Akure Davain, en tant que Garde des Sceaux, devra donc arbitrer entre la continuité silencieuse d’un système discrédité et le choix courageux d’un réexamen objectif du dossier. Il en va de la crédibilité de sa fonction, mais plus encore, du respect du serment présidentiel, qui appelle à la justice pour tous.
Dans les prochaines semaines, l’issue de ce dossier dira si la Vème République tient ses promesses ou si elle trahit déjà l’espoir suscité. Le Gabon, observé par la Commission africaine des droits de l’Homme et par son propre peuple, attend des actes. Et non des silences.
GMT TV