Subvention non ciblée aux carburants : une politique taillée au costume des plus riches

Alors que le Gabon ambitionne de mobiliser 10 000 milliards de FCFA sur cinq ans pour financer le Plan national de croissance et de développement (PNCD) et porter la croissance de moins de 3 % à 10 %, la question de la rationalisation des dépenses publiques devient centrale. Si des signaux forts sont attendus en matière de gouvernance, l’une des principales niches d’économie reste largement ignorée : la subvention aux carburants.
Portée à bout de bras depuis des années, cette politique budgétivore soulève de plus en plus d’interrogations. Selon la Banque mondiale, elle profiterait essentiellement aux plus aisés, au détriment des populations vulnérables que le gouvernement affirme pourtant vouloir soutenir.
Des milliards dilapidés au détriment de l’équité sociale
En 2022, la dépense publique liée aux subventions avait franchi la barre des 100 milliards de FCFA. Alerté, le gouvernement avait suspendu l’aide au secteur industriel, réduisant l’enveloppe à 45 milliards dans la loi de finances 2023. Une décision saluée par les partenaires internationaux.
Mais cette dynamique s’est brusquement inversée. Entre 2023 et 2024, les subventions ont bondi de 66 %, atteignant 75 milliards de FCFA, avant d’atteindre 88 milliards en 2025. Une trajectoire incompréhensible dans un contexte de fragilité budgétaire, d’autant que cette dépense dépasse désormais les allocations destinées aux bourses des élèves et étudiants.
Un système qui profite aux plus favorisés
Véhicules de fonction, primes, retraites dorées, bons de carburants : les principales bénéficiaires de cette manne publique sont issus des sphères administratives et politiques. « Ces subventions profitent essentiellement aux couches les plus aisées de la population », tranche la Banque mondiale dans sa Note de conjoncture économique de juin 2023.
L’institution plaide pour des mesures plus efficaces, mieux ciblées, susceptibles de réellement soutenir les plus vulnérables. Une recommandation ignorée par les gouvernements successifs, qui préfèrent agiter le spectre d’une instabilité sociale pour maintenir le statu quo.
Des choix budgétaires aux antipodes des ambitions affichées
Comment justifier que 88 milliards de FCFA soient alloués à une politique inefficace, tandis que le Gabon peine à financer des projets structurants, à soutenir son système éducatif ou à investir dans la santé publique ? À l’heure où les autorités multiplient les forums économiques pour attirer les investisseurs, cette contradiction budgétaire envoie un signal négatif.
Si le pays veut vraiment amorcer une transformation structurelle de son économie, il devra réorienter ses priorités. Réduire les subventions aux carburants ne signifie pas abandonner les plus pauvres, mais au contraire, c’est l’occasion de repenser le contrat social. Pour sortir de cette République des privilèges, il faut du courage politique.
GMT TV