Gabon: un processus de passation de marchés toujours aussi poreux
Les récentes informations concernant un marché de 10 milliards de FCFA qui aurait été octroyé à l’entreprise Morgan BTP ou Nouria BTP, ont remis au goût du jour les difficultés rencontrées par l’exécutif en matière de passation de marchés publics. Symbole d’une corruption active au sein de l’administration publique, ces procédures de passation des marchés publics pour lesquels le Gabon n’est que 44ème sur 52 pays en Afrique selon l’index Mo Ibrahim de bonne gouvernance, semblent encore glisser entre les doigts de l’exécutif avec à la manoeuvre, la direction générale des marchés publics (DGMP). Une direction censée pourtant, assurer l’exécution de la politique du gouvernement en matière de passation.
En prenant le 18 mars 2020, les décret N°00026/PR/MEF portant réorganisation de la direction générale du budget et des finances publiques et N°00027/PR/MEF portant création, attributions et organisation de la direction générale des marchés publics, l’administration Ali Bongo entendait, à l’image de l’administration Oligui Nguema, qui vient de créer une direction générale du contrôle budgétaire, renforcer la chaîne de surveillance en matière de passation des marchés. Il faut dire que l’idée était novatrice. Créer une direction autonome et indépendante, censée assurer l’exécution de la politique du gouvernement en matière de passation, d’approbation et de contrôle de l’exécution de la commande publique.
En effet, consciente des largesses accordées par l’administration à certains opérateurs et des dérives qui en découlaient, le gouvernement entendait à travers la centralisation de la passation, l’approbation et le contrôle de l’exécution de la commande publique confiés à la DGMP, renforcer les procédures. Délivrance de visa de conformité juridique sur les avis et dossiers d’appel d’offre, avis de non-objection pour l’ouverture des procédures dérogatoires de passation, procès-verbal d’ouverture des plis et rapport d’analyse des offres, contrôle de régularité, tout semblait mis en place pour limiter l’usage du gré à gré ou entente directe et favoriser l’appel d’offres, conformément à l’article 71 qui prévoit 15% pour le gré à gré.
Le Gabon en bonnet d’âne en matière de procédures de passation de marchés
Malheuresement, quatre ans après la prise de ces arrêtés, la situation semble encore plus grave. 189 marchés par entente directe pour un montant de près de 265 milliards de FCFA au cours de la seule année 2023 sont passés entre les mailles du filet de cette longue procédure censée garantir une orthodoxie et une rigueur en matière de passation de marchés publics. Plus grave encore, en cette période de transition où l’on était censé tout mettre à plat pour un retour aux fondamentaux, le DGBFiP sortant, avec possiblement l’assentiment du DGMP, a réussi à faire passer par entente directe un marché de l’ordre de 10 milliards de FCFA. Au regard de cette situation, une question survient, quel dispositif faut-il mettre en place pour limiter ces pratiques?
Pour y répondre on peut se tourner vers quelques indicateurs. En matière de transparence des archives publiques, notre pays est 46ème sur 52 pays. 41ème pour ce qui est de l’accès aux archives publiques. Dispositifs anti-corruption 39ème, absence de corruption au sein des institutions d’État 43ème, corruption au sein du secteur public 38ème et procédures de passation des marchés publics 44ème. Autant dire qu’en matière de transparence, notre pays est loin d’être un bon élève. Or, c’est cette même transparence qui garantit une amélioration des processus. A charge donc aux nouvelles autorités de réfléchir à comment la mettre en œuvre.