Gabon: Tania Ondo plaide pour un accouchement humanisé
Le 23 mars 2021, le conseil des ministres a adopté un projet de loi relatif à l’élimination des violences faites aux femmes. A cette occasion, la création d’un Observatoire national du droit des femmes a d’ailleurs été annoncée. Si l’initiative est indubitablement louable, j’aimerais toutefois attirer votre attention sur une forme de violences trop souvent oubliée : les violences obstétricales.
Je ne vous parle pas de ces douleurs classiques de l’enfantement auxquelles on peut s’attendre et qui, en somme, n’ont rien de bien traumatisant.
Je vous parle de ces humiliations et de ces insultes faites à des femmes en situation de vulnérabilité ; de ces déclenchements non médicalement justifiés mais presque imposés aux parturientes pour des raisons d’organisation du service ; de ces épisiotomies, sutures et révisions utérines réalisées sans anesthésie ; du mépris de la parole des patientes ; de l’imposition d’une posture d’accouchement héritée de l’Occident et jamais remise en cause alors même qu’il est avéré qu’elle constitue le déclencheur d’une série d’évènements parmi lesquels le ralentissement du travail et l’expression abdominale (une autre pratique décriée par de nombreux acteurs de santé dans le monde et qui engendre chez certaines femmes des descentes d’organes)… C’est tout cela, et bien plus encore, les violences obstétricales.
Je vous prie de ne pas voir dans ma démarche la volonté de jeter l’anathème sur une profession ô combien noble et si indispensable pour nous les femmes. De nombreux gynécologues etsages-femmes sont en effet à féliciter pour leur professionnalisme à toute épreuve.
S’il y a dans la profession des individus aux comportements déviants contre lesquels l’arsenal juridique actuel permet déjà d’agir, il y a aussi, et surtout, celles et ceux qui, du fait d’un plateau technique scandaleusement lacunaire et d’un manque cruel de ressources humaines, deviennent malgré eux des soignants-maltraitants.
En effet, comment exercer dans les règles de l’art quand le strict minimum fait si souvent défaut ? En outre, ne faut-il pas se pencher sur la pertinence de cette mesure privant de l’admission à l’USS tout candidat âgé de plus de 20 ans ?
Ce à quoi j’aspire, en tant que femme, mère, juriste et citoyenne, c’est à la mise en lumière de ces pratiques qui, en définitive, font de la salle de naissance, non plus seulement ce lieu de la toute première rencontre entre la mère et l’enfant, mais une véritable chambre de torture de laquelle les femmes sortent traumatisées tels des soldats brisés par la guerre.
Ce à quoi j’aspire, c’est à une prise de conscience individuelle et collective dont le premier marqueur n’est autre que la reconnaissance officielle des violences obstétricales comme des violences particulières faites aux femmes.
Individuelle, car nombreuses sont ces femmes qui ignorent leurs droits en tant que patientes, la charte du patient étant d’ailleurs rarement affichée comme la loi l’exige. Parallèlement, nombreux sont ces professionnels de santé qui semblent ne pas avoir connaissance de leurs obligations vis-à-vis des usagers de santé. A ce titre, j’ose espérer que le Code de la santé encore en projet consacrera au moins un Titre entier à la question des droits des patients.
Collective, car le phénomène n’est pas qu’une banale exception à une routine obstétricale habituellement bienveillante. J’ai pu le constater à travers des enquêtes que je mène de ma propre initiative.
Il vous suffirait, pour vous rendre compte de l’ampleur du phénomène, de mandater un rapport. Vous pourrez notamment constater cette crise de la confiance qui s’est installée à l’égard du corps médical, alors même que cette notion de confiance est censée être le socle de la relation médecin/patient.
Nous femmes, constatons et apprécions cette volonté de revalorisation de la femme manifestée par le Gouvernement. Mais, faut-il le rappeler, nous constituons à ce jour le « moyen de transport le plus sûr pour arriver sur la terre ». Rien que pour cette raison, permettez-moi de revendiquer pour chaque jeune fille, chaque femme mariée ou non, un accouchement humanisé.
Dans l’attente, je vous prie, Monsieur le Ministre, de croire en l’expression de mon profond respect.
Tania ONDO,
Juriste en droit médical.