Gabon : reviennent-ils au PDG par conviction collective ou par calcul personnel ?
Le Général Charles De Gaulle, militaire émérite et ancien Président français, le pensait : « Comme un homme politique ne croit jamais ce qu’il dit, il est étonné quand il est cru en politique ». Une pensée qui nous ouvre les portes vers ce champ politique national marqué par un retour bientôt massif de plusieurs opposants revenus, vers leur ancienne formation politique, le Parti démocratique gabonais (PDG).
Les Démocrates dont le leader Guy Nzouba Ndama a régné à la présidence de l’Assemblée nationale et pour le compte du parti présidentiel pendant 19 ans, est la première formation qui paie le lourd tribut de cette transhumance politique. Pratique qui consiste pour une personnalité politique de démissionner d’un parti pour adhérer à un autre au gré de ses intérêts.
En effet, le parti né des cendres de l’Alliance pour le nouveau Gabon vit une vague de démissions de cadres depuis un an : Jean-Pierre Doukaga Kassa, député du 1er arrondissement de Tchibanga désormais ministre l’Économie numérique, Jean Norbert Diramba, maire de Mouila devenu ministre du Tourisme ; un de ses vice-présidents Martin Moulengui Mabende, actuel ministre délégué aux Eaux et Forêts, son Secrétaire général Vincent Ella Menie ou encore le maire de Medouneu, Maxime Ondimba nommé au Haut Commissaire de la République.
Le Parti social démocrate (PSD) de l’ancien Vice-président de la République Pierre-Claver Maganga Moussavou a également vu partir Franck Bokamba Ndombi, député du 2e siège de la Zadié; Juste Omer Ezona, maire de Mékambo; la députée du 1er siège du département de l’Ogoulou, Gladys Moulengui; mais aussi une dizaine de conseillers municipaux.
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La Coalition pour la nouvelle République (CNR) soutenant l’opposant Jean Ping et l’Union nationale (UN) dirigée par Paulette Missambo n’ont pas été épargnées par ce que certains leaders de la société civile appellent « les voyages politiques », avec les départs de personnalités comme l’ancien Premier ministre Jean Eyeghe Ndong ou Féfé Onanga.
« Nos anciens camarades qui regagnent la maison du père ont simplement saisi la main tendue du Distingué camarade Président, Ali Bongo Ondimba pour construire ensemble ce pays qui a tant besoin de tous ses enfants unis », se réjouissent certains hauts cadres du PDG.
Des retours au PDG peu rassurants pour Ali Bongo Ondimba ?
Il est cependant peu certain que ces retours rassurent dans l’entourage politique du président de la République, tant les ex-opposants atterrissent au parti qu’ils ont pourtant quitté avec fracas, avec d’importantes charges publiques au sein de certaines institutions et au gouvernement.
Ces charges publiques sont-elles le fruit négocié pour leur retour ? Un geste d’assurance pour leur sens républicain ? La reconnaissance de leurs compétences professionnelles ? Ou de simples coïncidences ? L’opinion baigne au milieu de tous ces questionnements, tant elle se doit à la vérité de se souvenir des raisons pour lesquelles ces ex-camarades avaient rallié l’opposition.
Ils évoquaient l’absence des débats contradictoires internes ; la culture des injustices lors de l’investiture des candidats aux élections ; la dilapidation des ressources nationales ; le chantage ou encore les discriminations dans la promotion des cadres du parti au sein de l’Administration, des institutions et des sociétés d’Etat.
Ces manquements et dysfonctionnements ont-ils été enrayés entre-temps au point de rendre dorénavant viable le militantisme au sein du parti présidentiel ou, comme disent d’anciens compagnons restés dans l’opposition, « ils ont craqué sous le poids de l’étiolement de leur train de vie et la boulimie des prérogatives politiques dans leurs localités ».
Ce que démentent les proches des intéressés dont certains attribuent à leurs ex-leaders « la propension à tout régenter; la gestion opaque des ressources et patrimoine des partis; l’esprit communautariste source des divisions internes; une pénurie d’ambitions politiques; le manque de clarté dans les orientations; l’absence aux débats autour des politiques publiques ».
Martin Moulengui Mabende avait par exemple reconnu « s’être fourvoyé » avant de décider « de faire marche arrière pour reconnaître le bon chemin du chemin sans issue ». Jean Pierre Doukaga Kassa avait exprimé la volonté « de donner une autre orientation à son action politique” alors que Jean Norbert Diramba déplorait « qu’ils soient devenus les spectateurs et que le parti n’existe que par endroits et sans vision claire ». À l’inventaire, Jean Eyeghe Ndong avait décidé de « se déployer ailleurs, de se mettre à la disposition de l’Etat ».
La ruée vers le PDG n’est pas finie
Pour vérité, la perspective de l’élection présidentielle pourrait entraîner d’autres migrations politiques surprenantes, voire inédites comme celle plus récente du député démocrate de Moulengui-Binza dans la Nyanda, Jonathan Ignoumba qui a suggéré la « fusion-absorption » de sa base politique au profit du parti d’Ali Bongo Ondimba à qui, il s’adressait lors de sa tournée républicaine à Mongo.
Le Diplomate et Évêque français du 18è siècle Charles-Maurice De Talleyrand-Périgord l’a dit « La politique ce n’est qu’une certaine façon d’agiter le peuple avant de s’en servir ».
Edgard Nziembi Doukaga