Gabon : cap sur l’ambition présidentielle à 10% de croissance

Dans son discours à la Nation pour le 65ᵉ anniversaire de l’indépendance, le président Brice Clotaire Oligui Nguéma a fixé un objectif clair : hisser la croissance économique du Gabon à 10%. Une ambition qui, si elle incarne la rupture promise par la Vᵉ République, soulève de nombreuses interrogations face aux réalités actuelles de l’économie nationale.
Une ambition présidentielle en décalage avec la conjoncture. « Nous devons viser un taux de croissance de 10%. Cela impose discipline, ardeur au travail, probité, cohésion et méthode », a déclaré le chef de l’État le 16 août 2025. Cette promesse, symbole d’espérance, se heurte toutefois à la dynamique actuelle de l’économie gabonaise.
En 2024, la croissance n’a atteint que 2,9% selon la Banque mondiale, et 3,4% selon les autorités nationales. Tirée par le BTP, les services et un regain de production pétrolière, elle reste en deçà des besoins d’un pays où près de 20% de la population active est au chômage et où 34,6% des Gabonais vivent encore sous le seuil de pauvreté. Depuis 2019, la croissance moyenne plafonne à 2% par an, trop faible pour enclencher une transformation structurelle.
Des projections officielles bien en deçà de l’objectif fixé
Selon le Document de cadrage budgétaire 2026-2028, les perspectives tablent sur 2,4% en 2025, puis une moyenne de 3,3% entre 2026 et 2028. Même en supposant une relance accélérée du secteur hors pétrole, ces niveaux restent très éloignés du seuil présidentiel.
Les secteurs porteurs – mines, bois, agriculture – peinent à libérer leur potentiel à cause de contraintes bien connues : infrastructures insuffisantes, déficit énergétique et logistique, lourdeurs administratives. La Banque mondiale insiste d’ailleurs sur la nécessité de réformes « fortes » pour créer un climat plus favorable au secteur privé et attirer des investissements massifs.
Un horizon symbolique plus qu’une cible réaliste
En l’état, atteindre 10% de croissance relève plus d’un horizon symbolique que d’une trajectoire réaliste. Pour espérer s’en rapprocher, le Gabon devrait non seulement diversifier son économie à marche forcée, mais aussi améliorer drastiquement sa gouvernance, réduire le poids de sa dette et fluidifier son cadre d’investissement.
La vraie question n’est donc pas de viser un chiffre spectaculaire, mais de bâtir une croissance inclusive, capable de réduire la pauvreté et de soutenir l’emploi. Faute d’un ajustement profond des politiques publiques, le pays risque de rester prisonnier d’un sentier modeste, loin des ambitions affichées par la présidence.
GMT TV