Gabon : 15 milliards FCFA volatilisés du projet de logements sociaux de Bikele
S’il y a bien une promesse non tenue d’Ali Bongo dont les Gabonais se souviendront, c’est celle de la construction de 5 000 logements par an. Si des sites sont bien identifiés, le projet est quant à lui resté inachevé, bien que des fonds ont été décaissés. C’est notamment le cas du projet de logements sociaux à Bikele dans la commune de Ntoum, financé par la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC) en 2019, mais dont la moitié de la somme décaissée n’a pas été affectée à la réalisation du projet.
C’est un nouveau scandale financier qui risque de voir de nouvelles têtes tomber. Le 19 avril 2019, la BDEAC acte l’octroi d’un prêt de 45 milliards FCFA à l’Etat gabonais pour un Projet de construction de 1 000 logements et équipements collectifs. Une enveloppe décaissée à hauteur de 30 milliards et dont les irrégularités dans la gestion avaient été pointées par l’ancienne Task-force, dans un rapport confidentiel daté du 02 septembre 2022 adressé à la présidence de la République et dont nous avons pu prendre connaissance.
Une complicité malsaine entre SOBEA, UCET et CIRA MALI
Si le rapport produit à l’époque par Pierre Duro fait état de « détournements de fonds sans peur », il met tout aussi en évidence des complicités entre l’UCET, qui avait la gestion du projet, la société de construction SOBEA, chargée de sa réalisation, et la mission de contrôle CIRA MALI. En effet, en plus des surfacturations par SOBEA à hauteur de 1.5 milliard FCFA, le rapport indique que la société a perçu des fonds pour des prestations non réalisées, et ce avec la complicité des agents de l’UCET et de CIRA MALI.
Ainsi, ce sont donc plus de 15 milliards de FCFA de manque à gagner dans ce projet. Une somme qui aurait été investie dans le paiement de caves à vin, en achat de matériel pour des besoins politiques, en dépenses de fonctionnement et de recrutements de consultants, bref. Le rapport pointe par ailleurs un « risque certain de compromission », une « absence de rigueur dans le suivi des travaux des projets » ou encore « Une attribution de marchés sans respect des procédures d’appel d’offres ».
Seulement 250 logements en cours de réalisation sur les 1 100 prévus
Ce détournement du projet a bien évidemment eu pour conséquence le non-respect du cahier de charge. En effet, la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale avait octroyé ce prêt à l’Etat gabonais afin que sortent de terre 1 100 logements. Seulement, la Task-force note que seul un-quart des logements étaient effectivement en cours de réalisation au moment du rendu du rapport en septembre 2022, soit 250 biens.
Si le coup de pied dans cette fourmilière n’a pas fini de dévoiler tous ses secrets, il est plus que jamais urgent que les nouvelles autorités renforcent la législation en matière de publication de documents liés aux marchés publics, afin que véritablement, plus jamais le pays n’ait à connaître ce genre de dérives. Une mesure louable, qui aurait pour effet immédiat, un mieux-être des Gabonais, qui payent encore le lourd tribut de ces 14 années de gestion scabreuse de l’Etat.