Élections 2025 : procurations frauduleuses, transports d’électeurs, silence coupable des procureurs?

Dans une note circulaire, datée du 1er octobre 2025, adressée aux commissions électorales locales, Hermann Immongault, ministre de l’Intérieur et président de la Commission nationale d’organisation et de coordination des élections et du référendum (CNOCER), a reconnu implicitement des manœuvres frauduleuses massives lors du scrutin du 27 septembre dernier, notamment sur l’usage frauduleux des procurations et le transport massif des électeurs. Un aveu qui engage désormais la justice. Mais dans les neuf provinces du pays, les procureurs de la République gardent un silence assourdissant malgré les multiples dénonciations sur les réseaux sociaux et par voie de presse.
Une loi stricte, mais ignorée par ceux qui sont censés la faire appliquer ? Le cadre juridique est pourtant limpide. Aux termes de l’article 335 du Code électoral, la violation du scrutin est punie d’un à cinq ans de prison et de 100 000 à 1 000 000 FCFA d’amende. L’article 343 quant à lui, dispose clairement que « les fraudeurs peuvent perdre leur droit de vote et d’éligibilité pour 5 à 10 ans ». L’article 362 précise sans équivoque que « toute fraude avérée peut conduire à l’annulation pure et simple d’un scrutin ».
En rappelant que « nul électeur ne peut être porteur de plus d’une procuration », Immongault a de facto validé les accusations de l’opposition, des indépendants et même de l’Union démocratique des batisseurs (UDB). La loi est claire. Les preuves sont là. Mais l’action judiciaire, elle, manque cruellement.
Les procureurs des 9 provinces aux abonnés absents !
Dans chacun des tribunaux judiciaires de première instance des neuf provinces du Gabon, les procureurs de la République disposent d’un pouvoir d’action immédiat pour engager des poursuites. Pourtant, aucune communication sur l’ouverture d’une instruction n’a été faite, aucun procès-verbal n’a été transmis, aucun mis en cause convoqué.
Cette inertie choque d’autant plus qu’au quotidien, les mêmes juridictions poursuivent sans délai des délits mineurs ou des affaires de droit commun. Parfois des soit-transmis sont délivrés avec dilligence contre des journalistes alors que le délit de presse est dépénalisé en République gabonaise. Mais face à la fraude électorale, pourtant qualifiée par le Code pénal et le Code électoral, l’appareil judiciaire semble s’être figé.
Une impunité qui fragilise la République
Ce silence des procureurs fragilise la crédibilité même du processus électoral. Car laisser prospérer des pratiques aussi graves que le trafic de procurations revient à instaurer une impunité de fait. Cela envoie aux citoyens un signal dangereux : la fraude ne serait pas seulement tolérée, mais tacitement protégée.
Dans une République qui prétend restaurer la confiance démocratique, cette attitude est intenable. La justice ne peut continuer à fermer les yeux sans se rendre complice d’un déni de droit.
La justice attendue au tournant
À l’heure où la Cour constitutionnelle examine les recours électoraux, la responsabilité des procureurs des neuf provinces est directement interpellée. Car il ne suffit plus de rappeler la loi dans une circulaire : il faut l’appliquer, par des enquêtes, des poursuites et, si nécessaire, des condamnations exemplaires.
La Vᵉ République ne survivra pas à une nouvelle légitimation de la fraude. Elle ne pourra se construire que sur la fermeté de la loi et la rigueur des institutions judiciaires. Les procureurs de la République sont donc face à leur devoir : protéger la sincérité du scrutin, ou s’enfoncer dans un silence qui trahit la justice et la démocratie.
GMT TV