CEMAC : 400 milliards pour relancer la machine du développement, encore faut-il éviter les vieux travers

Dans une décision à forte portée économique, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a accordé une enveloppe exceptionnelle de 400 milliards de FCFA à la Banque de Développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC). Objectif : relancer l’investissement public dans une sous-région où les besoins en infrastructures restent considérables. Mais entre ambitions affichées et gestion passée, le succès dépendra d’une gouvernance rigoureuse.
Alors que les économies de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) peinent à relancer leurs investissements, la BEAC a décidé d’agir. L’institution régionale a annoncé une injection de 400 milliards de FCFA au profit de la BDEAC, son principal bras financier, afin de renforcer la capacité de financement des projets structurants dans les six pays membres.
Une bouffée d’air pour la sous-région
Ce dispositif s’appuie sur trois leviers essentiels : la libération anticipée du capital souscrit par la BEAC, la création d’un compte courant d’associés pour soutenir la liquidité de la BDEAC, le relèvement du plafond de refinancement, destiné à élargir le portefeuille de prêts.
Cette décision, saluée par plusieurs observateurs économiques, vise à accélérer le financement d’infrastructures majeures — routes, ports, aéroports, énergie, numérique — dans une sous-région qui accuse un lourd déficit de développement.
Pour le Gabon, le Cameroun, le Congo, la Guinée équatoriale, le Tchad et la Centrafrique, cette initiative représente un souffle nouveau dans un contexte de ralentissement des investissements publics. Les infrastructures vieillissantes, la faible intégration économique et les contraintes budgétaires ont limité la compétitivité de la CEMAC ces dernières années.
En injectant ces fonds, la BEAC envoie un signal fort : la politique monétaire régionale s’oriente désormais vers la croissance et non plus seulement vers la stabilité des prix. Un tournant majeur pour une institution souvent critiquée pour sa prudence excessive. « Il s’agit d’un choix assumé de développement », confie un cadre de la BDEAC à Gabon Media Time. « Nous devons prouver que les ressources régionales peuvent financer des projets concrets et durables », a-t-il précisé.
Le défi de la gouvernance et de la transparence
Mais ce vent d’optimisme s’accompagne de vigilance. La BDEAC traîne encore le souvenir de plusieurs projets plombés par les retards, les surcoûts ou l’opacité des décaissements. Cette fois, la BEAC veut rompre avec ces pratiques du passé.
Les deux institutions ont insisté sur la nécessité d’un pilotage rigoureux, reposant sur la traçabilité des financements et la reddition des comptes. Deux conditions clés ont été posées : une exécution stricte et mesurable des projets, un renforcement des mécanismes de gouvernance interne pour garantir la transparence dans l’usage des fonds.
Une opportunité à ne pas gâcher
Si elle est bien exécutée, cette injection de 400 milliards pourrait marquer un tournant historique pour la CEMAC. Mais pour éviter de retomber dans les travers du passé — opacité, favoritisme, inefficacité — les États membres devront faire preuve d’une discipline budgétaire sans faille.
En d’autres termes, chaque franc mobilisé devra désormais être traçable, chaque projet justifiable, chaque résultat mesurable. C’est à ce prix que la BDEAC et la BEAC pourront redonner confiance aux investisseurs, aux bailleurs et, surtout, aux citoyens. « Ces 400 milliards doivent être un levier de transformation, pas une simple opération de communication », avertit un économiste régional.
Dans une sous-région en quête de croissance durable, cette décision symbolise un pari audacieux : celui de miser sur l’investissement productif comme moteur d’un développement intégré et inclusif. Encore faut-il, désormais, que la machine du développement tourne sans gripper.
GMT TV