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Afrobarometer : pourquoi l’école ne convainc plus, mais l’auto-entrepreneuriat séduit 8 jeunes sur 10 ?

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Selon Afrobarometer, les jeunes gabonais expriment une défiance croissante envers le système éducatif formel, tout en plébiscitant massivement l’auto-entrepreneuriat comme voie d’avenir. Un paradoxe qui révèle une rupture profonde entre l’école, le marché du travail et les aspirations économiques de la génération post-30 août.

Les chiffres d’Afrobarometer sont sans équivoque : la jeunesse gabonaise estime que le système éducatif ne prépare pas efficacement aux défis économiques contemporains. Pour une majorité écrasante, les formations reçues ne correspondent ni aux besoins réels du marché du travail, ni aux nouvelles opportunités émergentes dans le numérique, les métiers techniques ou l’économie verte.

L’école ne rassure plus : une formation jugée inefficace face aux réalités économiques

Cette perte de confiance ne relève pas uniquement d’un jugement subjectif. Elle reflète des années de décalage structurel : manque d’enseignants spécialisés, filières saturées, enseignements théoriques déconnectés des compétences recherchées par les entreprises. En somme, une éducation perçue comme un héritage institutionnel figé, incapable de propulser les jeunes vers l’emploi.

Les jeunes interrogés citent un obstacle majeur à leur insertion : le manque d’expérience, lui-même aggravé par la rareté des stages et l’absence de passerelles entre école et entreprise. Dans un marché où le salariat est perçu comme saturé, instable et politisé, la méfiance envers le modèle traditionnel s’accentue. Conséquence : le diplôme n’apparaît plus comme un passeport crédible pour accéder à l’emploi, mais comme une formalité administrative sans réelle valeur économique.

L’auto-entrepreneuriat comme réponse à une économie bloquée

Face à l’impossibilité d’intégrer un marché du travail jugé fermé et injuste, la jeunesse gabonaise exprime une forte appétence pour l’auto-entrepreneuriat. Afrobarometer révèle que près de 80 % des jeunes voient dans l’entrepreneuriat une voie plus crédible, plus rapide et plus rentable que le parcours traditionnel.

Ce basculement est révélé par trois dynamiques majeures : le désir d’autonomie financière, la méfiance envers les circuits traditionnels de recrutement et la perception que les petites activités, même modestes, rapportent plus qu’un emploi précaire. L’esprit entrepreneurial, longtemps marginal, est devenu un refuge stratégique… mais aussi un acte de résistance face à un système éducatif jugé sans débouchés.

Le choc des aspirations : l’école forme, mais ne transforme plus

En croisant les données d’Afrobarometer avec les témoignages de terrain, un constat s’impose : l’école gabonaise continue de transmettre des savoirs, mais elle ne transforme plus les trajectoires sociales. Elle certifie des compétences théoriques sans offrir les moyens de les monétiser. À l’inverse, l’auto-entrepreneuriat permet d’agir immédiatement, de créer de la valeur locale, de se rendre utile, de générer un revenu — même limité — sans dépendre des structures administratives.

Le paradoxe révélé par Afrobarometer interpelle directement les autorités : une jeunesse qui se détourne de l’école tout en cherchant massivement à créer sa propre activité signale une urgence structurelle. Si l’État veut restaurer la confiance dans l’éducation, il devra entre autres, réformer en profondeur les curricula, multiplier les écoles techniques et professionnelles, financer les incubateurs et surtout aligner les compétences enseignées aux besoins réels de l’économie gabonaise.

Faute de quoi, l’écart entre l’école et la réalité continuera de se creuser — au risque de voir une génération entière tourner le dos à l’institution censée garantir son avenir.

Henriette Lembet

Journaliste Le temps est une donnée fatale à laquelle rien ne résiste...

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