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Transport aérien au Gabon : l’envol interdit par une fiscalité asphyxiante

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Malgré l’ambition affichée du gouvernement de faire du ciel gabonais un levier de désenclavement territorial et d’intégration économique, la réalité statistique est implacable : à peine 600 000 voyageurs enregistrés par an dans un pays de 2,3 millions d’habitants. En cause ? Une accumulation de taxes et de redevances qui plombe littéralement le secteur.

Alors que le ministre d’État Ulrich Manfoumbi Manfoumbi annonce, dans un élan de transparence, que le dossier des billets d’avion « fait l’objet d’une attention prioritaire au plus haut niveau de l’État », le diagnostic technique pointe un mal bien plus profond que la simple régulation tarifaire : une structure de coûts viciée par une surimposition étatique et paraétatique.

Un système fiscal étouffant

Au Gabon, le prix d’un billet d’avion intègre jusqu’à 45 % de taxes et redevances diverses, prélevées à tous les niveaux de la chaîne : redevance de sûreté, taxe d’aéroport, TVA, redevance d’embarquement, et contributions à divers fonds étatiques. Résultat : des billets Libreville-Franceville parfois plus chers qu’un Libreville-Abidjan. Le transport aérien domestique devient un luxe réservé à une élite administrative et économique, tandis que l’immense majorité des Gabonais est reléguée au transport terrestre, souvent long, dangereux et peu fiable.

« Le secteur est victime d’un paradoxe : on l’appelle à désenclaver les régions, à soutenir le tourisme et l’investissement, mais on le surtaxe comme une vache à lait », déplore un cadre d’une compagnie aérienne sous couvert d’anonymat. Dans ces conditions, les compagnies aériennes peinent à atteindre leur seuil de rentabilité, freinent leur expansion, et répercutent mécaniquement les charges sur les consommateurs.

Une dynamique bridée malgré les ambitions

Avec seulement 600 000 passagers en 2024 – domestiques et internationaux confondus – le Gabon reste l’un des marchés aériens les plus modestes d’Afrique centrale. À titre de comparaison, le Sénégal enregistre plus de 2 millions de passagers par an. Et pourtant, Libreville dispose d’infrastructures modernes, à l’image de l’aéroport Léon Mba, et d’un positionnement géographique stratégique.

Le discours volontariste du ministre des Transports, appelant à « professionnaliser les ressources humaines et renforcer l’attractivité du territoire », trouve vite ses limites sans une réforme audacieuse de la politique fiscale. Car au-delà des effets d’annonce, c’est un rééquilibrage structurel qu’il faut opérer : réduction des taxes, incitations fiscales pour les compagnies, et création d’un fonds de soutien au transport aérien national.

Un test politique pour la 5e République

Enrayer la chute de l’accessibilité aérienne, c’est aussi répondre à une urgence sociale : les familles gabonaises ne devraient pas choisir entre payer un billet d’avion et régler des frais de santé ou de scolarité. C’est, enfin, un test politique pour le gouvernement Oligui Nguema, qui a fait de la rupture avec les injustices du passé un marqueur de sa gouvernance.

Pour cela, il faudra plus que des discours rassurants. Il faudra du courage. Car, dans l’état actuel, le ciel gabonais n’est pas fermé par les nuages. Il est verrouillé par les taxes.

Casimir Mapiya

« Mieux vaut une vérité qui fait mal, qu'un mensonge qui réjouit. » Proverbes berbères

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