Sylvia Bongo: «le Gabon ne doit pas laisser la Covid-19 annuler des décennies de progrès pour les droits des femmes»
La crise sanitaire a touché et touche encore ce pan majeur de la vie des femmes qu’est leur place économique dans notre société. Alors même que les petits et grands préjugés restent nombreux tout au long de leur vie, la pandémie a multiplié les freins au quotidien contre leurs droits les plus essentiels, voire les plus évidents. En quelques mois, les conséquences directes et indirectes ont parfois anéanti des années de mobilisation en faveur de la réduction des inégalités de genre. Dans la stupeur de la pandémie, la crainte et l’isolement ont pris le pas sur les droits, passés au second plan.
Dans le même temps, les femmes, elles, se retrouvaient en première ligne: infirmières, soignantes, commerçantes, volontaires et bénévoles… Au front pour lutter contre la maladie, au front pour remplir les services essentiels, au front aussi au sein des foyers pour assurer la continuité de l’éducation, l’attention et le soin aux aînés. Dans nos villes comme dans notre Gabon profond, les Gabonaises n’ont cessé de le démontrer: elles sont prêtes à apporter leur pleine contribution au développement de notre pays. Mais, pour quelles reconnaissances ? Pour quelles contreparties ?
En ce 17 avril 2021, journée de célébration de la femme gabonaise, nous avons souhaité accompagner ce questionnement collectif: comment réagir et comment s’investir dans la lutte pour l’égalité économique ? Comment renforcer les droits en soutenant un des fondamentaux les plus essentiels : l’émancipation économique ? Comment expliquer et faire comprendre à quel point la dynamique transformationnelle de notre pays ne pourra se faire si l’on ne reconnaît ni n’intègre le rôle primordial que les femmes jouent et ont à jouer dans la croissance économique du Gabon?
Les travaux d’études menés par plusieurs organisations internationales, notamment l’Organisation internationale du travail, la Banque mondiale, ou encore l’OCDE, soulignent combien l’indépendance économique des femmes assure non seulement une croissance collective plus forte mais également une équitable répartition de ses fruits au niveau individuel.
Par ailleurs, les chiffres nous rappellent régulièrement le formidable vivier de croissance qu’elles constituent et les multiples bénéfices attendus d’une réduction de l’écart d’activité entre les hommes et les femmes. Le McKinsey Global Institute estime ainsi qu’en cas d’égalité parfaite des hommes et des femmes face à l’emploi, le PIB mondial bondirait de 26 % d’ici 2025, soit 28 000 milliards de dollars supplémentaires injectés dans l’économie mondiale. Notre continent en particulier pourrait ajouter 316 milliards de dollars à son PIB, soit une augmentation de 10 % si chaque État parvenait à égaler les progrès réalisés par les meilleurs pays de la région.
Pourtant, les femmes sont encore victimes de multiples discriminations en matière d’accès au financement et à l’emploi, malgré de nombreux progrès, notamment législatifs, enregistrés dans notre pays. Face à ces défis, la Fondation Sylvia Bongo Ondimba a fait le choix aux premières heures de sa création d’une part de consacrer la place que les Gabonaises jouent au sein de nos familles et de nos communautés, d’autre part d’accompagner le rôle de premier plan qu’elles occupent au sein de nos sociétés.
Nous agissons ainsi en appui des associations et des institutions engagées dans le renforcement de leurs droits. Droits économiques, notamment avec l’initiative de microcrédit Akassi pour accompagner les femmes dans la création d’activités génératrices de revenus. Droits civils, avec la reconnaissance de la Journée internationale des veuves. Droits à la santé, avec par exemple les programmes ” Toutes les mamans comptent “, ” Femmes contre le Sida “, ou encore ” Agir contre le cancer”, et par le soutien solidaire aux personnes vivant avec un handicap moteur ou auditif.
En témoignent, enfin, plus récemment, le concours ” Coup 2 Coeur ” pour dénoncer les violences faites aux femmes, le lancement des Cafés de l’égalité pour échanger avec le grand public sur les questions du genre, et cette initiative qui nous tient particulièrement à cœur, la création du Prix Agathe Okumba d’Okwatsegue, dédié à primer les associations qui poursuivent le noble combat de cette pionnière de la défense des droits des femmes dans notre pays. Dans notre monde en perte de repères, les associations que nous avons découvertes à travers l’appel à candidatures émergent comme des sources intarissables d’espoir et de dynamisme et illustrent la vivacité de la société civile gabonaise et sa détermination à faire bouger les lignes.
Cet espoir, c’est également le travail conduit aux côtés du gouvernement gabonais, avec la société civile gabonaise et les experts nationaux et internationaux dans ce domaine, pour encourager des dispositions légales et institutionnelles ambitieuses en faveur de l’égalité. Dans la continuité de la stratégie que nous avons portée en 2020, nous mesurons jour après jour
les petites et grandes avancées que ce travail aura encouragées et révélées: projets de loi inédits portant réforme des Code Civil, Code pénal mais également Code du travail, qui consacrent des innovations fortes en faveur de la protection, de l’intégration et de l’émancipation des femmes.
Le Gabon, historiquement engagé en faveur des droits de ses citoyennes, ne doit pas laisser la Covid-19 annuler des décennies de progrès pour les droits des femmes. Bien au contraire, la crise que nous traversons doit constituer pour nous le sursaut tant attendu pour renforcer la protection et le rôle de celles qui peuvent contribuer à réinventer nos vies et favoriser l’émergence d’un Gabon plus fort, plus solidaire, plus respectueux des droits individuels et collectifs.
Sylvia Bongo Ondimba
Première Dame du Gabon.