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Projet Gué-Gué : un mal nécessaire pour urbaniser Libreville et sortir du désordre urbain hérité

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Dans un Libreville confronté à des défis chroniques d’urbanisme sauvage, d’inondations récurrentes et d’insécurité foncière, le projet d’aménagement du bassin-versant de Gué-Gué porté par l’Unité de coordination des études et travaux (UCET) apparaît non seulement pertinent, mais crucial. Dans un entretien à L’Union, Guy Ulrich Odounga, coordinateur général de l’UCET, a exposé les grandes lignes d’un projet qui ambitionne de transformer durablement l’un des secteurs les plus déstructurés de la capitale gabonaise. Et s’il suscite quelques crispations, il reste un passage obligé vers un Libreville plus ordonné et plus vivable.

Une capitale à réorganiser d’urgence. Depuis plusieurs décennies, Libreville s’est développée sans réel contrôle, avec une prolifération de quartiers spontanés, souvent implantés dans des zones inondables ou à forte instabilité géotechnique. Le bassin de Gué-Gué, situé au cœur de ces déséquilibres urbains, en est une illustration flagrante. Chaque saison de pluie y provoque son lot de drames, avec des maisons submergées, des routes coupées et des pertes matérielles considérables.

Face à cette situation, l’État gabonais ne pouvait plus se contenter de rafistolages conjoncturels. Il fallait une réponse structurelle, ambitieuse, et surtout durable. C’est précisément ce que propose le projet Gué-Gué, qui combine aménagement hydraulique, voirie, logement et équipements sociaux. « Il ne s’agit pas seulement de déplacer des populations, mais de leur offrir mieux, avec 1 070 logements à Bikele-Nzong dotés d’écoles, de dispensaires et de plateaux sportifs », a expliqué Guy Ulrich Odounga.

Un projet structurant, à la hauteur des enjeux

S’il est vrai que toute opération de recasement comporte des complexités sociales, il faut aussi saluer la méthode adoptée. Près de 490 familles ont été identifiées, une photographie sociale a été réalisée, et un Plan complet de réinstallation (PCR) a été prévu sur 75 hectares. Cette démarche témoigne d’une volonté de planification rigoureuse, loin des expropriations sauvages du passé. L’État s’y engage désormais avec des garanties : indemnisation des personnes impactées, construction d’un habitat digne, équipements collectifs intégrés.

Certes, des résistances existent. Certaines sont compréhensibles. Mais d’autres relèvent de l’inertie ou du refus de se conformer aux normes urbaines, alors même que les zones en question sont frappées depuis 2014 d’une Déclaration d’utilité publique (DUP). À un moment, il faut trancher : veut-on un Gabon moderne ou continuer dans le désordre hérité ?

Une épreuve de vérité pour la Transition

Le projet Gué-Gué constitue un test grandeur nature pour la Transition conduite par le président Brice Clotaire Oligui Nguema. Ce dernier a affirmé sa volonté de moderniser le pays, de rétablir l’autorité de l’État et d’appliquer des politiques publiques orientées vers le développement. Or, urbaniser Libreville est un impératif si l’on veut garantir une qualité de vie décente aux générations futures.

C’est pourquoi l’UCET mérite d’être soutenue. Ce projet est une démonstration de l’efficacité possible de l’action publique lorsqu’elle est bien pensée, planifiée et assumée. Il est de bon ton de rappeler que le développement implique toujours une part de contrainte. Mais mieux vaut une contrainte organisée qu’une catastrophe naturelle évitable. Et mieux vaut des logements salubres que des habitats précaires.

Construire la ville, c’est aussi construire l’État

Au fond, urbaniser, c’est aussi une manière de réaffirmer l’autorité de l’État, dans un pays longtemps livré au clientélisme foncier et à la spéculation sauvage. L’initiative de l’UCET doit donc être comprise comme un acte de rupture avec ce laisser-aller. Et si ce projet est mené à terme avec transparence et rigueur, il pourrait devenir un modèle reproductible dans d’autres bassins de Libreville – Lowé-IAI, Terre-Nouvelle – et au-delà.

Le développement durable du Gabon commence par une ville capitale organisée, structurée, et tournée vers l’avenir. Le bassin-versant de Gué-Gué pourrait bien en être le premier jalon.

Karl Makemba

Engagé et passionné, Karl Makemba met son expertise et sa plume au service d’une information rigoureuse et indépendante. Fidèle à la mission de Gabon Media Time, il contribue à éclairer l’actualité gabonaise avec une analyse approfondie et un regard critique. "La liberté d'expression est la pierre angulaire de toute société libre." – Kofi Annan

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