Port-Gentil : bagarre de chiffonniers entre le procureur général et le procureur de la République
Décidément, la détérioration de l’image de l’administration judiciaire au Gabon n’est pas une vue de l’esprit quoiqu’en disent les principaux acteurs de ce secteur. La preuve avec l’échange pour le moins virulent qui a opposé ces derniers jours le procureur général près la Cour d’appel judiciaire et le procureur de la République près le Tribunal de première instance de Port-Gentil autour de la non moins médiatisée garde-à-vue de certains responsables de la société pétrolière Perenco qui aurait donné lieu à une véritable passe d’armes, au sens propre du terme, entre les deux magistrats.
En effet, si l’opinion nationale a été submergée ces derniers jours par des informations autour des auditions des responsables de la société pétrolière au sujet de l’incendie sur la plateforme Becuna survenu le 20 mars 2024, la bataille entourant la mise en œuvre de cette procédure à de quoi faire sourire et même pleuré. Et pour cause, cette affaire aurait mis en lumière un duel incompressible entre magistrats.
Un excès de zèle du procureur de la République à l’origine de la guerre froide
Ainsi, on apprend que l’affaire aurait donné lieu à un véritable crépissage de chignon entre le procureur général près la Cour d’appel judiciaire Edith Christiane Mvou Loubamono et le procureur de la République près le Tribunal de première instance de Port-Gentil Pierre Aperano Essongué. Dans une correspondance référencée n°70/2023-2024/MJGS/CAJ-PG/PG daté du 17 mai 2024, il est reproché au dernier cité d’avoir fait preuve « d’insubordination » et d’avoir tenu des « propos irrespectueux ».
La pomme de la discorde serait la mesure de garde à vue décidée par le procureur de la République prononcé contre les responsables de la Direction général de la société Perenco aux environs de minuit. Il faut dire qu’après que le procureur général se soit rendu sur place et lever la mesure qui au demeurant s’avérait inopportune, le procureur de la République Pierre Aperano Essongué, accompagné des éléments de la Gendarmerie armés jusqu’aux dents, auraient fait irruption au siège de Perenco pour interpeller le Directeur général, son adjoint et plusieurs de ses collaborateurs pour une énième garde à vue à la Brigade de l’Océan.
Un jeu du chat et la souri auquel se serait livrés les deux magistrats qui auraient donc contraint le procureur général a prononcé une suspension de fonction à l’encontre du procureur de la République. « Monsieur le Procureur de la République, en raison de votre insubordination et de vos propos irrespectueux tenus dans la nuit du 16 au 17 mai 2024, à l’égard du Procureur Général que je suis, relatifs à la mesure de garde à vue prononcée contre les responsables de la Direction Générale de la société PERENCO aux environs de minuit […], je vous suspends de vos fonctions à compter de la réception de la présente note, et ce, jusqu’à nouvel ordre », peut-on lire dans la correspondance d’Edith Christiane Mvou Loubamono. Si aux dernières nouvelles, la sanction infligée à l’encontre du Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Port-Gentil a été levée, cet épisode malheureux a le mérite de mettre en lumière les guerres de leadership qui ont très souvent cours au sein des juridictions.
Madame le procureur général, faites vous respecter par votre subordonné…
”Crepage de chignon” et non ”crepissage de chignon”