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Port d’Owendo : nouvelle procédure de sortie des véhicules importés, le coup de force réglementaire du ministère des Transports

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À compter du 21 février 2025, tout véhicule débarqué au port d’Owendo, qu’il soit neuf ou d’occasion, ne pourra plus quitter l’enceinte portuaire sans certificat d’homologation, assurance provisoire et immatriculation temporaire. Une réforme drastique annoncée par la Direction générale des Transports terrestres qui crispe déjà les importateurs.

C’est une petite révolution administrative – et potentiellement un casse-tête logistique – qui attend les opérateurs économiques du secteur automobile. Par une note d’information en date du 5 février 2025, le Colonel Moussavou Mandounkou, Directeur général des Transports terrestres, a annoncé que « plus aucun véhicule ne sera autorisé à sortir du port sans certificat d’homologation, police d’assurance au tiers simple et numéro d’identification provisoire ». Autrement dit, toute sortie de véhicule du port d’Owendo devient désormais conditionnée à une procédure stricte, structurée autour de deux prestataires privés agréés par l’État.

Un verrouillage opérationnel inédit

Concrètement, la Société d’Inspection et de Spécialisation (S.I.S) sera chargée de la réception technique et de la délivrance des plaques d’immatriculation provisoires. Quant à l’assurance obligatoire, elle ne pourra être souscrite que via SUNU Assurances IARD Gabon. L’identification se fera par apposition d’un autocollant à sept caractères sur les pare-brises avant et arrière.

Loin d’être anodine, cette réforme s’appuie sur un empilement de textes législatifs et réglementaires, du règlement CEMAC de 2001 à la loi sur la protection du patrimoine routier national de 2023. Mais derrière l’arsenal juridique, c’est une nouvelle architecture de contrôle et de captation des flux financiers qui se dessine. « Le paiement des frais se fera directement auprès des deux opérateurs », précise la note, sans donner de détails sur les tarifs, laissant craindre une flambée des coûts pour les importateurs occasionnels et professionnels.

Sécurisation ou privatisation déguisée du contrôle ?

Officiellement, l’objectif affiché est de garantir un meilleur encadrement des véhicules en circulation, d’éviter l’entrée de voitures non conformes et de renforcer la traçabilité. Officieusement, certains y voient un moyen de verrouiller un secteur longtemps réputé poreux et propice aux fraudes.

La décision fait déjà grincer des dents. Du côté des transitaires et des revendeurs automobiles, plusieurs acteurs dénoncent une réforme imposée sans concertation, au mépris du principe de progressivité administrative. « Tout le monde n’a pas les moyens de supporter une telle charge d’un seul coup, surtout en contexte de crise », confie un professionnel du secteur.

Vers une concentration des marchés publics autour d’opérateurs privilégiés ?

Cette réforme s’inscrit aussi dans une tendance plus large : celle d’une centralisation croissante des fonctions techniques auprès d’entreprises privées désignées par l’administration. Un phénomène qui soulève des interrogations sur la concurrence, la transparence et la régulation des tarifs.

Alors que le Gabon est engagé dans une réforme de son système de gouvernance, l’État est ici accusé de transférer une mission de service public à des acteurs commerciaux sans mécanisme clair de contrôle ou de recours. Un terrain glissant pour un pays qui veut restaurer la confiance.

En verrouillant la sortie des véhicules au port d’Owendo, la Direction des Transports terrestres frappe fort. Mais sans dialogue préalable avec les opérateurs et sans transparence tarifaire, cette nouvelle procédure pourrait bien virer au cauchemar bureaucratique et alimenter une nouvelle crise de confiance.

Casimir Mapiya

« Mieux vaut une vérité qui fait mal, qu'un mensonge qui réjouit. » Proverbes berbères

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